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La Cité des Cieux, monde des îles et des bateaux volants...

La Cité des Cieux, monde des îles et des bateaux volants...
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6 octobre 2008

Chapitre 61, par John Craft - Où on tape sur du Don Juan

Sawin pleurait dans les bras du capitaine. Tous touchés - exceptée l'énorme et bedonnante qui essayait tant bien que mal de s'allonger, malgré quelques invectives de ceux qu'elle écrasait dans cette petite maison-, les membres de l'équipage tenaient, chacun à leur façon, de raviver la sérénité et la joie de la jeune femme.
- Allez, allez, t'inquiète, que tu sois une Sawin ou une Naha-truc, t'es toujours le meilleur médecin des cieux !
- Il a raison ! On a besoin de toi, vraiment ! affirma Ryan.
- Damoiselle, la joliesse de vos traits et la douceur de votre esprit justifient à eux seuls la nécessité de votre présence.
- Ouais, pareil !
- Ne sois plus triste, s'il te plaît... Allez, pour nous faire plaisir...
Sawin -ou Nahalys ? Elle-même doutait encore de sa vraie identité et de celle qu'elle voudrait conserver- essuya doucement ses cernes, et balbutia un :
- Mais je suis pas triste... je suis vraiment heureuse... Je suis tellement heureuse d'avoir pu récupérer tant de choses que j'avais perdues...
- Ma Sawin, calme-toi, lui intima Dralan. On est là, d'accord ? Nous sommes un équipage, et bien plus : une véritable famille ! Nous avons nos talents, nous avons notre passé, nous avons nos remords et nos regrets. Vis avec sans les craindre, d'accord ? Maintenant que nous connaissons ton passé, nous te connaissons TOI, davantage. Et ça ne va pas nous donner envie de te voir partir, d'accord ?
- Il a raison ! Sauf si tu nous menaces encore avec des aiguilles énormes.

Alors que les tensiosn retombaient, que les joies réapparaissaient et que de nouveaux pleurs, plus sereins car aimants, surgissaient, certains membres se sentirent le besoin d'évacuer tous ces beaux sentiments, et de prendre l'air. Alan fut l'un des premiers, Edele décidant de rester pour tenir compagnie à son amie. Vincenzo l'accompagna.
- Mon ami, je vous devine amoureux des belles formes.
- haha, vous lisez mes pensées !
- Regardez discrètement. Voyez-vous cette dame ?
- Qui, la marchande ?
- Non, voyons ! Même si, je vous l'accorde, son surpoids la rend un peu trop voyante... non, je parle de celle à sa droite...
- Tudieu ! Elle mériterait une place dans le journal de bord rien que pour son visage !
- Suivez-moi, tentons notre chance de la journée !

- Ca va mieux, Sa... Naha... euh... bégaya la cuisinière, une petite heure après que tout le récit fût fait.
- Oui, merci, sourit-elle, réjouie de l'attention que tout le monde lui portait. Je suis content de tous vous voir.
- Tous ?
Les membres regardèrent alentour; en effet, Alan et Vincenzo demeuraient absents; ils s'étaient faits longs, alors qu'ils avaient précisé simplement vouloir laisser de l'air à leur amie...
- Qu'est-ce qu'ils font ?
Un silence s'installa; l'ironie du sort aidant, ce fut bien entendu l'instant où deux voix, à l'extérieur, fort reconnaissables, se firent entendre.
- Ah, vous avez de la chance qu'elle eût une soeur !
- C'est vrai que cette jeune fille n'avait d'yeux que pour vous...
- Ah, ça, je n'en suis pas mécontent... Mais admettez que sa cadette était délicieusement splendide...
- Ou splendidement délicieuse, même ! Vous avez hésité entre les deux, avouez !
- Certes, certes, mais mon choix était déjà fait, je vous assure. Espérons simplement qu'elles parviendront à nous oublier rapidement, je ne voudrais pas faire jaser...
Ils ouvrirent la porte après avoir doucement frappé; Vincenzo et Alan se rendirent alors compte des regards que tous leur jetaient... Les femmes étaient avant tout furieuses ou désespérées, à l'exception de Tekila qui rougissait éhontément et fort timidement; les garçons quant à eux, réagissaient de multiples manières, allant de la jalousie au dépit, ou à la simple indifférence amusée.
Néanmoins, tous -à l'exception des deux séducteurs- se parèrent d'un sourire enjoué en entendant le son des crânes fracassés par une poêle et une casserole... Et ce fut une Edele incroyablement irascible qui asséna deux, trois, quatre coups supplémentaires... tant qu'il fallut la retenir de les mettre sauvagement à mort pour leur indélicatesse.
Mais Sawin, elle, riait.

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6 octobre 2008

Chapitre 60, par Maranwë - Où on flashbackise

Cinq ans auparavant, sur l'île de Vittani
Là où d'autres îles auraient pu être renommées pour un monument historique, un joli paysage à l'automne ou pour avoir été temporairement le lieu de séjour d'un homme devenu célèbre après sa mort, Vittani s'était fait connaître comme étant la plus grosse décharge à ciel ouvert de ce coin de ciel.
Quelques dirigeants compatissants essayaient de faire changer les choses sur ce bout de terre flottant, mais le mal était déjà fait, les humains se revendaient sur le marché au même prix qu'une barque céleste, la plupart des "maisons" (si la postérité convient de les appeler ainsi) construites à la va-vite tombaient en décrépitude avancée, et quelques natifs plus opportunistes que les autres se servaient des enfants des rues pour faire les poches aux gens de passage.
Ils avaient solennellement appelé leur combine "la Guilde", et recrutaient tous ceux qui semblaient assez habiles à la tire ou assez innocents pour divertir les passants pendant que leurs camarades s'attelaient à leur besogne.
Sumire Himana appartenait à la deuxième catégorie.
Non pas que cette adolescente avait trop de scrupules pour délester les plus ou moins honnêtes gens de leur argent, mais son physique lui donnait à attirer l'oeil plus qu'à se fondre dans la masse. De longs cheveux rouges, de grands yeux verts, la silhouette fine et le sourire angélique : tout aurait pu aller pour le mieux si elle avait eu un peu plus de logique.
En effet, Sumire faisait partie des rares voleurs qui s'acclament eux-même lorsqu'ils accomplissent leur besogne, et si elle développa au fil des années un certain talent pour la fuite à toutes jambes, elle n'en restait pas moins l'opposé exact de la discrétion, et nombre de marchands avaient finalement entendu parler d'une rouquine qui portait malheur.
- Sumire, par pitié, ne lève pas les bras au ciel quand je viens de détacher une bourse, grogna un adolescent aux cheveux blonds ébouriffés.
- Désolée, répondit cette dernière, qui n'avait pas l'air désolée le moins du monde. Pas pu m'en empêcher.
- C'est pas ta soeur, là-bas ? demanda soudain son compagnon, l'air inquiet.
- Euh...
- Sumire, ne me dis pas que tu traînes encore avec les gens de la guilde ? demanda du bout de la rue une voix pleine de reproches.
- C'est pas de ma faute si je ne travaille pas aussi bien que Mademoiselle Nahalys, rétorqua Sumire.
- Et tu t'imagines peut-être que tu vas vivre toute ta vie en séduisant les passants pendant que tes copains les volent ? répliqua Nahalys, une jeune fille à peine plus âgée, aux longs cheveux châtains.
- Je pourrais aussi me trouver un riche marchand et l'épouser, répondit rêveusement Sumire.
- Si tu veux, répondit Nahalys en levant les yeux au ciel. En attendant, tu rentres avec moi. Maman ne va pas bien.
Sans un mot de plus, Sumire se mit à courir pour rattraper sa soeur, qui disparaissait derrière une ruelle, laissant derrière elle son compagnon visiblement soulagé.
Quelques minutes plus tard, Nahalys poussait la porte d'une petite maison, se retrouvant nez à nez avec un homme d'une quarantaine d'années portant redingote et chapeau rond. Derrière lui suivait le vieux Denz, qui comme à l'accoutumée était venu apporter du pain à la famille Himana. Il fit un sourire et un signe de tête aux deux soeurs, avant de repartir dans les ruelles.
- Comment va-t-elle, docteur ? demanda Nahalys après avoir fait un signe de la main à Denz.
- Mieux, mais seulement pour l'instant, répondit ce dernier d'un air sombre. Je l'ai mise sous somnifères, je repasserai dans la soirée. En attendant, tu sais quoi faire si besoin. Oh, bonjour, Sumire.
- Bonjour, docteur Daine, répondit cette dernière.
Le docteur parti, les deux soeurs entrèrent dans la maison et refermèrent la porte derrière elles.
- Nahalys, tu vas la soigner ?
- Le docteur Daine a dit qu'il allait revenir, ne t'inquiète pas, répondit gentiment Nahalys.
- Mais pourquoi tu lis ces livres toute la journée, alors ? demanda Sumire d'un air étonné en désignant une pile de livres de médecine. Tu veux pas être docteur ?
Nahalys se contenta de sourire à sa petite soeur, et feuilleta l'un de ses livres une énième fois dans l'espoir d'y découvrir la description des symptômes que présentait sa mère.
Leur père, marin disparu au cours d'une tempête qui ravagea son navire d'attache, n'était pas revenu depuis bien des années, et leur mère avait tant bien que mal essayé de faire face à la vie accompagnée de ses deux enfants, mais elle présentait depuis quelques mois une étrange maladie qui ne faisait qu'empirer.
Elle, que ses filles avaient connue si forte, dépérissait à vue d'oeil : ses joues se creusaient au fil des jours, son teint devenait d'un blanc maladif, elle était sans cesse terrassée par la fatigue et se plaignait régulièrement de maux de ventre. Et par-dessus tout, il y avait ces cauchemars qui la tourmentaient toutes les nuits.
Nahalys, la plus âgée des deux, avait toujours été passionnée par la nature et avait entrepris toute jeune de dénommer toutes les herbes qu'on trouvait sur l'île, avant de s'attaquer aux plantes médicinales sur un livre emprunté au médecin de la famille.
Lorsque la fillette avait été très fière de lui réciter la liste des plantes de son livre et chaque maladie qu'elles pouvaient guérir, le docteur Daine lui avait proposé de l'instruire davantage sur le métier de médecin. En contrepartie elle viendrait faire le ménage chaque semaine chez lui et tenir compagnie à sa fille Sawin, une fillette du même âge.
Sawin et Nahalys étaient bonnes amies malgré leur différence de caractère et de milieu social, et Nahalys ne fut guère étonnée de la voir passer la porte pour prendre des nouvelles de sa mère.
- Bonjour tout le monde, déclara gentiment Sawin, une jeune fille aux cheveux noirs, alors qu'elle rentrait dans la maisonnette.
- Bonjour Sawin ! répondirent en choeur les soeurs Himana.
- J'ai croisé mon père en arrivant, dit soudain Sawin à l'attention de Nahalys. Comment va-t-elle ?
- Pas terrible, répondit sombrement Nahalys. Je suis allée chercher Sumire, au cas où.
- Au cas où quoi ? demanda Sumire d'un air étonné.
Nahalys ne répondit pas et jeta un coup d'oeil dans la direction de sa mère, allongée sur une couchette au fond de la maison. Finalement, elle se leva, et dit :
- Sumire, je peux te confier maman ? Je voudrais vérifier quelque chose.
Sumire fit la moue, mais hocha vivement la tête pendant que sa soeur, accompagnée de Sawin, passait la porte. Toutefois, il ne passa pas dix minutes avant qu'elle ne dépose un baiser sur le front de sa mère, et sorte prudemment de la maison pour faire quelque chose "de très très important". La jeune fille bifurqua derrière sa maison, marcha quelques minutes et sifflota en tapant sur le sol une fois qu'elle fut totalement seule. Quelques instants plus tard, un écureuil volant sautait d'un arbre pour aterrir sur son épaule.

- Je ne sais pas ce que tu veux vérifier, Nahalys, déclara Sawin alors qu'elle marchait à côté d'elle. On a regardé dans tous les livres.
- Il y a une pièce chez ton père, répondit Nahalys. Peut-être qu'il y a d'autres livres, là-bas.
- Nahalys ! s'exclama Sawin. On ne peut pas y rentrer, tu le sais !
- Je sais, répondit-elle. Je n'ai même pas le droit d'y faire le ménage. Mais peut-être que...
Malgré les protestations de son amie, les deux jeunes filles firent précautionneusement le tour de la maison pour rentrer par la petite porte qui donnait sur la cuisine, et s'engouffrèrent à pas de loup dans la maison du médecin.
- Nahalyyys !
- Je ne t'ai jamais obligée à venir, Sawin, chuchota-t-elle.
Nahalys était femme de ménage, et comme toute femme de ménage, elle savait exactement où était rangé le trousseau de clés de la maison. Après avoir fouillé dans un placard, elle en ressortit victorieusement un gros ensemble de clés anciennes accrochées ensemble par un anneau de métal, et les passa toutes en revue avant de s'arrêter sur une petite aux reflets cuivrés.
- Nahalys, s'il-te-plaît...
- Chut ! On y est presque.
Nahalys tourna la clé dans une serrure qu'elle avait toujours connue fermée, et inspira à fond lorsqu'elle entendit le cliquetis caractéristique. Un grincement lorsqu'elle poussa la porte lui indiqua qu'elle était ouverte, et elle entra, Sawin à sa suite, une fois qu'elle eût allumé la bougie disposée sur une table à l'entrée de la pièce. Derrière elles, son amie referma précautionneusement la porte.
Sans surprise, la pièce était mal rangée et regorgeait de livres ouverts et de papiers disposés ça et là, à la grande joie de Nahalys. Mais ce qu'elle ne comprit pas, c'était tout cet amoncellement de fioles et d'alambic dans lesquels mijotaient des liquides aux couleurs indéfinissables, et cette collection de bocaux remplis d'animaux et de plantes, vivants ou formollisés, sur les étagères. Sawin qui connaissait aussi des rudiments de médecine, et cette vue sordide faisait battre son sang si fort à ses tympans qu'elle se plaqua les mains sur les oreilles, muette de stupeur et d'horreur. Nombre d'araignées, de serpents et d'insectes exotiques vrillaient dans leurs bocaux et tapaient sur les parois pour en sortir.
Nahalys, la gorge nouée, s'approcha de la table au centre de la petite pièce : des dizaines de feuilles de notes traînaient là, et elle en commença la lecture à voix haute sous la lueur de la bougie.
- Test d'extraction bocal numéro trente-huit, échec. Test d'extraction bocal numéro trente-neuf, succès.
- C'est cette énorme araignée, là ? Il y a marqué "Provenance : Pagala" dessus...
- Dilution du venin extrait du bocal numéro trente-huit dans l'eau et isolement de la substance toxique. Neuf sujets décédés sur dix après injection. Dixième sujet très affaibli.
- Des sujets ? répéta Sawin, l'air horrifié.
- Tu entends ces petits bruits ? On dirait...
Sawin souleva une bâche, et recula en mettant sa main sur sa bouche. Des dizaines de cages minuscules empilées les unes sur les autres grouillaient de souris de tailles diverses. Nahalys déglutit.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? dit-elle soudain.
- Regarde ça ! s'exclama Sawin en désignant un alambic.
Une mixture verte, pâteuse, y reposait, et sur l'alambic était tracé à la craie la lettre A.
- A, c'est pour quoi, à ton avis ? demanda Sawin.
Nahalys s'était à nouveau plongée dans les notes du docteur, et son visage se raidissait au fur et à mesure qu'elle avançait dans sa lecture.
- Sawin, si je te parle de maux de ventre, de fièvre et de troubles du sommeil, ça t'évoque quoi ?
- Ta mère ?
- Ce sont les symptômes des souris à qui on injecte le produit A fortement dilué, répondit Nahalys d'une voix blanche.
Sawin ouvrit la bouche et écarquilla les yeux sans un mot, puis se rua sur le papier que tenait la main tremblante de Nahalys. Cette dernière s'effondra, livide, sur la chaise, et n'entendit même pas la porte grincer derrière elle.
- Que... Qu'est-ce que vous faites là, vous deux ? s'exclama le docteur Daine dans l'encadrement de la porte. Je vous avais formellement interdit de venir ici !
- Père, ne me dis pas que c'est toi qui ... ? demanda Sawin d'une toute petite voix.
Le docteur resta muet de stupeur un instant, puis entrevit le visage de Nahalys, et lâcha :
- Au début, je n'étais sencé que travailler sur le venin d'un animal que nos "ennemis" pouvaient utiliser contre nous, et ses effets sur les humains. Mais quand j'ai commencé à leur communiquer les résultats de mes travaux, ils ont fait pression sur moi. Ils ont menacé de faire du mal à Sawin... Et puis je me suis rendu compte que les gens autour de moi ont commencé à tomber malades.
Suite au silence de Sawin et Nahalys, il poursuivit :
- Ta mère n'est pas la seule, Nahalys. Ils ont empoisonné une partie des fontaines, et pour une raison que j'ignore encore, seuls des adultes sont tombés malades. Alors j'ai continué mes recherches dans l'espoir de fabriquer l'antidote à ce poison que j'ai moi-même créé...
- C'est qui, ils ? demanda Nahalys, d'une voix où pointaient la colère et l'incompréhension.
- Un gouvernement peut-être, des gens puissants, répondit le médecin. C'est eux qui ont commandé mes travaux, et qui aujourd'hui me menacent. Ecoute-moi, Nahalys... je te confie mes notes. Ils ne doivent pas les avoir. Cache-les, précieusement, s'il devait m'arriver quelque chose.
- Mais... Et l'antidote ? demanda Sawin.
- J'ai bonne mémoire, ma fille, répondit le médecin en souriant. Je me souviens parfaitement de mes recherches. Maintenant, Nahalys, file chez toi. Je te promets que je ferai tout ce qui en mon pouvoir pour sauver ta mère.
De son côté, Sumire flânait dans les rues commerçantes, le nez en l'air et son écureuil apprivoisé sur l'épaule. Une femme aux cheveux noirs, richement habillée et suivie d'un homme au nez de corbeau, l'accosta soudain, et lui dit :
- Bonjour, jeune fille. Tu fais partie de la Guilde, si mes renseignements sont exacts.
- Et comment vous savez ça, vous ? s'étonna Sumire.
- On m'a parlé d'une jeune fille rousse, répondit la femme. Et on me dit que la Guilde sait tout sur tout sur cette île, est-ce vrai ?
- C'est vrai, s'enorgueillit Sumire.
- Comment t'appelles-tu ?
- Sumire Himana.
- Sumire, sais-tu aussi où habite le docteur Daine ? demanda la femme.
- Bien sûr, la maison au bout de cette rue. Ma soeur est son apprentie, je le connais bien !
- Ah, ta soeur... fit la femme avec une voix étrange. Comment s'appelle-t-elle ?
- Nahalys.
- Sumire, j'ai une proposition à te faire, déclara la femme. Je te promets une belle récompense si tu m'emmènes jusqu'au siège de la Guilde, j'aimerais vraiment rencontrer tes chefs...
- Madame, ce n'est pas prudent, chuchota l'homme à son oreille.
- Suffit, Aziz, siffla-t-elle aussi bas. Je ne la crois pas assez futée pour comprendre ce qui l'attend.
Et, d'une vois plus haute et posée, elle déclara :
- Alors, qu'en dis-tu, Sumire ?
Nul ne sait ce qui s'est réellement passé après ceci, puisque tout fut désigné comme "opération de sûreté d'Etat" sans autre forme de procès. Sumire, naïve, avait cru qu'elle avait en face d'elle une admiratrice de la Guilde, mais la femme était en réalité au service d'une puissance qui entendait que les voleurs n'avaient pas leur place en ce monde. Une fois qu'elle avait su où se trouvaient la plupart des membres de la Guilde, la garde royale avait effectué une rafle, et les avait exécutés sur la place publique quelques jours plus tard. Le docteur Daine fut arrêté par la même garde et emprisonné, mais il refusa jusqu'au bout de livrer le secret de ses travaux lorsqu'ils découvrirent que toutes les preuves avaient disparu. Soupçonnant que son apprentie, Nahalys Himana, connaissait elle aussi le secret de ces travaux, ils la traquèrent à son tour.
Sumire, recherchée puisque faisant partie de la Guilde, s'était enfuie de l'île avec l'aide de Denz. Mais Sawin, avant que les autres n'aient pu trouver Nahalys, se présenta spontanément à la porte du gouvernement sous l'identité de cette dernière. Nahalys ne l'avait plus jamais revue.
Sumire disparue, et Sawin probablement morte pour la sauver, Nahalys n'était restée sur Vittani que pour prendre soin de sa mère, et l'enterra l'hiver suivant le coeur en lambeaux.
Lorsque Dralan Helard l'avait trouvée devant sa maison en flammes et la retint au moment où elle allait se jeter dans le feu, Nahalys se présenta sous l'identité de l'amie qui s'était sacrifiée pour elle. Elle était ensuite allée jusqu'à prendre son apparence pour perpétuer son souvenir, portant ses lunettes, se coupant les cheveux et les teignant en noir, et était devenue un excellent médecin, la Sawin Daine que tous connaissaient à présent.
Aujourd'hui, cinq ans plus tard, découvrant Sumire à genoux et en larmes devant les décombres de leur maison, Nahalys devenue Sawin s'avança vers Sumire et la prit dans ses bras sous les yeux ébahis de Ludolf.
- Je savais que c'était ta faute, mais je t'ai laissé le bénéfice du doute quand nous t'avons retrouvée, dit-elle à sa petite soeur. Maintenant je sais que tu n'avais jamais voulu tout ça.
- Nahalys ? demanda Sumire.
- Maintenant, c'est Sawin, répondit cette dernière. Tu ne t'es jamais demandée pourquoi j'ai tant insisté pour que tu viennes avec nous quand nous t'avons retrouvée sur ton île déserte ?
Les deux soeurs s'étreignirent et pleurèrent dans les bras l'une de l'autre pendant quelques minutes, où Ludolf crut bon de s'éclipser et de courir à toutes jambes vers les autres pour leur raconter ce qui venait de se passer. Denz avait entendu l'histoire de la bouche du docteur Daine lorsqu'il était venu lui rendre visite peu de temps avant sa mort, et sa bouche se fendit d'un large sourire quand il sut que Sumire avait l'air de se rappeler ce qu'il se passait.
- Maman est... Maman...
- Elle est partie pendant son sommeil, Sumire, murmura Sawin.
- Je ne voulais pas, je te jure ! C'est pas... ma faute...
- N'en parlons plus, d'accord ? insista Sawin en la secouant par les épaules et en essuyant une larme. Allez, viens, allons retrouver les autres.
- C'est drôle, ça.
- Quoi donc ?
- Je vais devenir la belle-soeur du Capitaine, murmura Sumire avec un grand sourire.

6 octobre 2008

Chapitre 60, par Maranwë - Où on se promène dans un coin pas fameux

- Nous avons un sacré détour à faire, déclara Sawin alors que le capitaine examinait la carte du ciel sous les recommandations judicieuses de Glendal (et de Dewon, qui connaissait tous les coins où il y avait "des cailloux à péter" sur cette partie des cieux)
- C'est le moins que l'on puisse dire, fit Dralan d'un air ennuyé.
- Et moi j'vous dis que pour aller de ce côté-là, faut que j'aille me réapprovisionner d'abord, trancha Dewon en gratouillant le menton du lézard ailé perché sur sa tête.
- Il n'y aucune île commerçante près d'ici ? demanda à tout hasard Ludolf, assis une chaise non loin.
- Il y a bien Vittani, à quelques encablures, dit soudain le capitaine.
- Mais ce n'est absolument pas la bonne direction, déclara Sawin en détachant soigneusement chaque mot.
- Je pense que nous pouvons perdre une journée en allant à Vittani pour gagner une semaine en faisant exploser le mur de pierres volantes qui se présentera bientôt, remarqua Glendal.
Le capitaine parut vaguement désappointé, avant de reprendre rapidement contenance. Il ne pouvait se prétendre capitaine s'il n'avait la prestance d'un capitaine, si tout le charisme qu'il s'était acharné à conserver et développer ne lui servait à dissiper les moments de doute et de crainte au sein de son équipage.
Et c'est ainsi que, d'une voix forte et sans réplique, il déclara solennellement :
- Mettez le cap sur Vittani.

Sumire ne put s'empêcher de noter dans son journal que seule Sawin était restée dans la cabine du capitaine après la décision de ce dernier de changer de direction. D'ailleurs, quelle direction ? Elle se tint immobile quelques instants, la plume sur les lèvres, le regard dans le vague, et parut soudain furieuse : il se passait sur ce navire quelque chose qu'elle ignorait, et pour quelqu'un dont la mission auto-nommée est de relater aux générations futures tous les faits et gestes de cet équipage, cela passait pour de l'intolérable.
Elle se mit en chasse de la moindre personne qui aurait pu la renseigner à ce sujet, et, après avoir éloigné de son esprit l'idée de questionner Dewon (trop... impulsif, dirons-nous) ou Glendal (reparti directement dans sa cabine), elle agrippa la manche de Ludolf, accoudé au bastingage et regardant le ciel d'un air rêveur.
- Dites-moi, mon cher, sauriez-vous par hasard où nous nous rendons ? demanda-t-elle en se servant inconsciemment de sa plume comme d'un micro.
- Vitt-quelque chose, fit distraitement Ludolf, plongé dans sa contemplation de la vitesse des nuages. Vitt... Vittel... Vittani, je crois...
Sumire se figea lorsqu'elle lut sa propre écriture sur le papier du journal, et s'étonna de constater qu'elle avait écrit le nom de l'île correctement. Ou du moins, elle savait que c'était la bonne orthographe, un recoin de son esprit le lui chuchotait.
Elle resta statufiée quelques secondes, puis reprit son air insouciant habituel pour aller se poster à son endroit préféré, un tonneau renversé à l'avant du pont - de là-bas, on avait vue sur tout le bateau.
Elle ne remarqua toutefois pas la mine soucieuse de Sawin, qui venait de sortir de la cabine du capitaine, ni son regard stationner un instant dans sa direction.

Vittani était, à l'échelle des îles que l'Arcadia parcourt depuis des mois, une grande île. Toutefois, au jugé d'un ancien habitant de la Terre avant qu'elle ne devienne sombre, elle aurait pu être juste "un gros bourg".
Ce n'était pas non plus une île commerçante à proprement dit, ou un recoin à touristes : Vittani était un repaire de revendeurs plus ou moins louches, qui vendaient des choses provenant des quatre coins du ciel (et dont la manière de les acquérir, de toute façon, n'intéressait personne qui tenait un tant soit peu à ne pas quitter l'île en courant).
Bref, c'était plus une brocante géante qu'une véritable ville, et les brocanteurs n'avaient rien du vieux bonhomme moustachu qu'on pourrait imaginer au départ.
- C'est moche, ici, déclara Vincenzo en retroussant le nez. Puis ça sent mauvais.
- Vraiment mauvais, fit Edele en se bouchant le nez sous les vapeurs de carburant. Mais les réserves sont presque vides, comme on n'a pas pu faire le plein à la dernière île...
- Cet écrin ne convient guère à un joyau comme vous, dame Edele, ajouta Alan avec un air offusqué. Retournez donc au bateau et prêtez-moi votre liste de courses, je me ferai un plaisir de trouver les essences rares pour vous.
- Si tu arrives à trouver autre chose que des pièces de moteur ou des trucs qui explosent, t'auras droit à mon respect éternel, répondit David. Bon, j'vous laisse, je vais faire un tour...
- Toi, tu m'accompagnes, trancha Dewon en désignant Vincenzo d'un air terrifiant. J'ai besoin d'un porteur.
- Mais mais mais je vais me salir, moi ! couina l'intéressé, avant d'abdiquer sous la menace d'un pistolet maison braqué entre ses yeux.
Le capitaine haussa les épaules en réponse à l'air suppliant et aux yeux humides du mousse en rose violacé qui se faisait traîner par le col, et se dirigea de son côté avec Sumire, Ryan, mais également Tekila et Sawin.
Et tandis que Sumire se plaignait de l'absence de boutiques dignes de ce nom -comprenez par là que le vendeur devrait être un éphèbe au sourire éclatant présentant la nouvelle tendance féminine de l'été-, que Ryan s'efforçait de la distraire en se promenant à son bras et que Tekila découvrait le monde avec des grands yeux émerveillés et curieux, Sawin et Dralan marchaient en tête, mais sans pour autant échanger un seul mot.
Lui dévisageait et scrutait en silence les visages les moins avenants qui s'arrêtaient en les voyant passer, elle avait le regard perdu dans le vide. Et d'ailleurs, comme elle ne regardait pas vraiment où elle allait, il ne fallut pas attendre longtemps avant une superbe bousculade avec un homme qui devait faire une tête de moins qu'elle, et se retrouva ni une ni deux étalé par terre à cause du poids de son énorme sac à dos.
Tekila, surprise, s'évoqua mentalement l'image d'un scarabée qu'on aurait renversé sur le dos, et c'est bien connu, un scarabée renversé sur le dos a toujours du mal à revenir à sa dignité initiale sans aide extérieure.
- Oh, je suis désolée ! s'exclama Sawin en se précipitant vers le bonhomme, qui essayait de se remettre debout en serrant les dents et en agitant rapidement les pieds dans le vide.
- J'espère juste que mon chargement n'a rien! fit le petit homme, chaussé d'énormes lunettes qui lui donnaient l'air d'un hibou.
Toutefois, pendant que Dralan et Sawin aidaient l'inconnu à se redresser, celui-ci s'arrêta en voyant le visage de la doctoresse, et plissant quelque peu les yeux, il murmura :
- C'est toi, Nahalys ?
Le visage de Sawin se durcit un instant, puis baissant la tête vers le sol, répondit :
- Je regrette, vous devez vous tromper de personne.
- Il me semble que tu n'avais pas les cheveux aussi courts, avant, mais quand on regarde bien, tu n'as pas changé, reprit l'homme.
- Je ne m'appelle pas Nahalys, mais Sawin, répondit cette dernière d'une voix plus forte.
Attiré par l'agitation, le reste de la troupe s'avança un peu, et soudain l'homme aux yeux de hibou s'exclama, étonné :
- Sumire ?

- C'est malin, fit David. Elle perdue dans ce trou, c'est comme avoir lâché une sardine volante dans un banc de barracudas-nimbus !
- Sauf qu'ils ne sont pas cannibales, ici, fit remarquer calmement Abby.
- Mais qu'est-ce qui lui a pris ? s'étonna Edele.
- C'est quand elle a vu ce type à lunettes, répondit Ryan, visiblement furieux. Elle a lâché mon bras, et elle a disparu dans les ruelles !
- Vous aurez du mal à la trouver, déclara l'homme à lunettes en déboulant de nulle part. Elle connaît le coin comme sa poche.
- Et qui t'es, toi ? demanda Dewon, visiblement énervé par la perte de temps causée.
- On dit "vous", jeune impoli, fit l'intéressé en plissant les yeux.
- Monsieur a bien connu Sumire quand elle était petite, il semblerait, répondit Dralan en arrivant, derrière lui.
- J'apportais des vivres à sa mère, ajouta l'homme. J'm'appelle Denz. Elle est où, la jeune dame à lunettes qui prétend ne pas me connaître ?
- Elle cherche Sumire avec Ludolf, répondit Dralan.
- Bien, bien, approuva Denz en hochant de la tête d'une façon curieuse, rappelant ces petites figurines en forme d'animaux qui bougent la tête quand on les pose à côté des tableaux de bord dans les navires. On va prendre un remontant chez moi, si vous voulez bien, c'est pas loin.
Une fois son énorme sac posé à terre dans ce qui servait de couloir d'entrée, Denz fit rentrer la quasi-totalité de l'équipage de l'Arcadia dans sa modeste demeure, une sorte de maisonnette en bois consolidée par de la terre cuite et de l'argile.
Le cadre n'étant pas prévu pour autant de monde (dont l'imposante Arabella, qui s'ennuyait ferme sur l'Arcadia, comptait pour quatre personnes bien portantes), les membres les plus légers de l'équipage se retrouvaient parfois sur les genoux des autres.
D'ailleurs, Ryan commençait sérieusement à avoir chaud, car outre le fait qu'il soutenait Abby, se tenaient assis à côté de lui, parfaitement immobiles, un Alan cramoisi avec une Edele rougeoyante sur ses genoux.
- J'ai un peu d'eau et de tord-boyaux, si ça vous chante, déclara Denz à son assemblée. Par contre, j'ai que trois verres.
- On s'en passera, trancha Dralan. Je crois qu'on a plutôt besoin de quelques explications...
- Et moi qui croyais que vous saviez tout sur tout, capitaine, s'étonna David, l'air presque déçu.
- Oui, euh, enfin bref, j'aimerais bien savoir pourquoi Sumire s'est enfuie à votre vue et pourquoi Sawin n'a plus lâché un mot depuis, voilà quoi !
- Sumire n'a jamais voulu assumer ses responsabilités quand elle faisait des bêtises, répondit Denz en se roulant une cigarette. Qu'elle ne se souvienne de rien n'est pas vraiment surprenant.
- Quel genre de bêtises ? demanda Alan, intrigué.
- Très, très grosses, répondit Denz en passant un petit coup de langue sur le papier filtre. En fait, il y a environ cinq ans...

6 juillet 2008

Chapitre 59, par Kuina - Où on assiste à l'épreuve de l'encre

Alors que le cri de Sumire résonnait dans tout le navire suite à l’ouverture de sa cabine, Vincenzo en profita pour crier en chœur avec elle, d’une même voix aiguë précisons bien. Devant eux, couvert d’encre et de papier, Tekila tentait, tant bien que mal, de rompre la corde qui la maintenait couchée avec l’une des plumes de la propriétaire de la chambre qui avait du lui servir maintes fois pour la rédaction du précieux journal que nous connaissons tous.
Les deux membres de l’Arcadia avaient chacun d’eux une raison différente d’hurler...

«- Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! Une jeune fille ligotée dans votre chambre !!!
-Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !  Le journal !!!!! »

Tout deux se précipitèrent donc à l’intérieur du lieu pour aller sur ce qui les concernaient. La jeune fille se jeta littéralement dans la pièce, sans prendre aucune précaution pour ne pas se tacher, et attrapa le journal menacé par un filet de liquide noir glissant le long du bureau…

« Le ciel soit loué ! Tu n’as rien ! »

Et dans sa joie intérieure, elle l’enlaça tendrement tandis que Vincenzo, aussi inquiet qu’il lui fut possible d’être pour Tekila, marchait prudemment pour éviter les obstacles noirâtres le séparant de la rouquine. En prenant soin de ne pas froisser ses habits, il remonta ses manches et commença à défaire la corde.
Tekila pendant ce temps ne disait toujours mot, elle attendait patiemment, la plume toujours en bouche, puisque pour l’instant, tout ce qu’elle avait pu dire à Sumire s’était retourné contre elle…
Evidemment, les deux cris poussés par les deux personnages attirèrent foule de monde. Tout d’abord Edele et Alan qui visiblement étaient (encore ?) ensembles au moment où le son strident des deux voix était parvenu à leurs oreilles… Ils s’étaient arrêtés devant la porte et regardaient à leur tour l’étrange spectacle : Une jeune fille embrassant un journal très embarrassant pour l’équipage, Vincenzo évitant des flaques d’encres et une inconnue toute noire, une plume en bouche… UNE inconnuE ! Alan, c’était donc jeté, à son tour, à sa rescousse, tel un chevalier servant, en ignorant celui qui s’occupait déjà d’elle. Ex-Sauveur qui d’ailleurs fut bousculé par la brusque action du marchand, qui s’empressait de soulever Tekila, et commença un balai de papier sur encre, pour ne pas dire patin sur glace, fort original.

« -Noooon ma dernière dentelleeeeeeeee ! »
 
Et c’est ainsi que la dernière personne ici présente, non couverte d’encre, fut la cuisinière qui ne savait plus si elle devait rire ou s’inquiéter. Finalement, voyant Alan aux habits désormais sales ramener Tekila, elle sortit de son tablier un mouchoir encore propre et essuya le visage de la rouquine.

«- Allons donc ?! Mais qui es tu ?! s’exclama-t-elle en frottant la frimousse de la rousse.
-Et que fais tu là ?! rajouta Alan en la déposant dans le couloir. »

C’est à ce moment là que vinrent la doctoresse, le capitaine et le mécanicien, chacun d’un côté différent.

« Qui a crié ?! s’exclama Dralan avec inquiétude.
-Je ne sais pas mais nous avons trouvé cette jeune fille dans la cabine de Sumire… »

Cabine qui eut l’honneur d’être examinée par les nouveaux arrivants. Il y eut d’ailleurs, à cet instant présent, un silence remarquable de leur part face aux cris désespérés de Sumire et de Vincenzo qui n’arrivait pas à se relever et demandait (de force) l’assistance de la rédactrice…Finalement David ne pu se retenir plus longtemps de cacher un fou rire bruyant.

« -Hum, hum…Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle David… dit d’un ton cassant mais d’une façon qui laissait penser qu’il se retenait lui-même, le capitaine de l’Arcadia.
-Hm…Désolé mon Capitaine… »

Sawin, elle, ne pensait plus tellement à la cabine mais d’avantage à Tekila. Elle l’inspectait soigneusement mais, à part quelques bleus dûs sans aucun doute au navire qui avait été violemment secoué et la marque de la corde, l’inconnue n’avait rien de grave.

«- Comment t'appelles-tu jeune fille ? »

Tekila eut une certaine hésitation. Elle tourna sa tête en direction de Sumire qui était trop loin pour la bâillonner comme à son éternelle habitude.

« -…Tekila… »

Alan fit alors mine de regarder dans ses poches s'il n’en avait pas une, mais évidemment, il n’en avait pas bu récemment, c’est pourquoi il se tourna vers Edele.

«- Edele ? T'en as pas dans ta cuisine ? »

Celle-ci, suite à la demande, voulut le frapper de sa casserole qu’elle avait hélas déposée au sol pour s’occuper de Tekila.

«- Mais idiot ! C’est son nom ! Tu penses qu’à boire ?! T’es bien un homme !
-Hein ?! Elle s’appelle comme ça ?! Mais c’est qui ses parents ?! On n’a pas idée de don…Aïe ! »

Cette fois, elle avait ramassé l’arme fatale et s’en était servie avec un grand plaisir…Sawin de son côté, continuait de l’interroger calmement…

« -Que fais tu ici ? »

Une nouvelle hésitation de la part de la jeune fille, cette fois, ce n’était pas Sumire qui sortait enfin de sa cabine avec Vincenzo qui l’inquiétait… Prenant son courage à deux mains, elle bégaya ces mots :

« Je…je…voulais quitter l’île…où…j’étais et …et… » Elle sanglota soudain puis reprit « Et je suis montée à bord de votre vaisseau…Mais… » S’arrêtant de nouveau, elle tendit sa main en direction de Sumire pour la montrer du doigt. « Elle m’a trouvée et m’a enfermée… »

Instinctivement, tous les regards se tournèrent vers la rédactrice. Ils étaient peu rassurants pour elle. A ce moment, Glendal et Dewon apparurent à leur tour dans le couloir qui devenait trop étroit… Ne connaissant pas les faits, ils se contentèrent d’imiter les autres en regardant Sumire à son grand malheur...

« -…Hey ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?! »

Devant ce long silence, Sumire se sentit très…seule…

« -…Hey ! Je n’ai fait que mon devoir de rédactrice de l’Arcadia ! J’ai surpris une inconnue qui fouillait dans la cave et il était de mon devoir de l’attraper pour assurer la sécurité de vous tous ! Bon…D’accord ! J’aurais peut être dû… vous en parler…plus rapidement…Mais ! Elle semblait tout de même trop dangereuse pour la laisser se promener dans le navire ! »

De nouveau, les regards se tournèrent pour examiner l’air « dangereux » de la rouquine…suite à une nette déception, ils revinrent sur Sumire.

« …Bon d’accord…Elle a peut être pas l’air si méchante que ça aux premiers abords mais lorsqu’il s’agit de l’attraper ! Un vrai démon ! J’ai failli perdre mon bras !...Bon peut être pas…MAIS ! Vous ne pouvez pas nier qu’elle a essayé de détruire le journal de bord ! AH AH ! Là, vous ne pouvez pas contredire le fait que c’est un danger ! »
- Si elle a vraiment tenté de le faire, je serais plutôt d’avis de la serrer dans mes bras… » chuchota discrètement David à son capitaine…

Capitaine qui restait toujours silencieux afin de laisser la parole à Sawin.

« Tu comptais donc embarquer avec nous ? Sans savoir si nous serions d’accord ? »

A cette question, Tekila chercha dans la poche de son pantalon et en sortit un petit sac. Elle l’ouvrit et y plongea sa main pour faire apparaitre, à l’étonnement de toutes les personnes présentes, de magnifiques bijoux en or et en argent.

« -J’étais prête à payer… »
-…Capitaine ? »

Celui-ci sortit enfin de ses réflexions et daigna ouvrir ses lèvres…

« -Hum…Nous ne sommes pas sur un navire de croisière jeune fille! Si tu embarque, tu iras où je le déciderais…Si tu embarques, tu risques de nombreux périls et il ne faudra pas te plaindre car si tu apparais comme un fardeau à notre voyage, nous n’hésiterons pas à nous débarrasser de toi par n’importe quel moyen qui me semblera efficace…Comprends tu ? »

Tekila rougit un peu mais inclina résolument sa tête en signe d’approbation en tendant à Dralan son sac de bijoux. L’homme le regarda en sachant très bien la valeur qu’avait se petit trésor mais il détourna ses yeux pour regarder Vincenzo et Sumire.

« -Garde cela…pour le moment… Lorsque nous en aurons besoin, tâche de ne pas nous gêner…Maintenant…Vous deux !
-OUI ?! Répondirent ils en cœur en s’inquiétant, l’un pour sa punition, l’autre par le fait qu’il soit simplement désigné avec elle.
-Vous allez m'astiquer cette cabine de suite ! Si maintenant les membres de l’Acardia deviennent négligents, que va devenir mon précieux vaisseau ?!
-Hein ? Mais, je…
-OUI M. LE CAPITAINE ! » s’exclama Sumire en coupant littéralement la plainte de Vincenzo pour assurer une aide dans sa besogne.

Et, ravie de ne pas avoir plus de soucis avec le chef de l’Arcadia, elle attrapa son coéquipier par le poignet pour le tirer, à son désaccord, dans sa cabine et s’y enfermer loin de tout autre regard. Un simple petit son réussit à traverser la porte, ressemblant à un « Pourquoi moiiiiii ? » assez triste, mais cela, les autres membres de l’équipage ne s’en soucièrent que peu. Continuant ses instructions, Dralan regarda Edele.

« Hum…Edele, tâche de lui trouver de quoi se vêtir après tout, vous semblez avoir les même taille… Vous autres, vous pouvez retourner à vos postes ! »

Et dans un élan magistral, il se retourna pour sortir en laissant s’envoler sa cape. Il aurait seulement été préférable que l’un des retardataires, qui était Arabella, ne vint pas s’entrechoquer avec le capitaine…

« -Ben ? Alo’s Cap’taine ? Il s’est passé quoi ? »
« -Hum…Une nouvelle recrue… »

Et sans un autre mot il monta l’escalier, visiblement contrarié par l’incident de sa scène finale… L’incident qui s’en retourna vers les autres, interrogatrice…

« - Il a quoi le Cap’taine ? »

2 juillet 2008

Chapitre 58, par Guiiil - Où on repart vers d'autres cieux

- Donc nous voici reparti vers d'autre cieux? Demanda Ryan, penché par dessus la balustrade afin d'apprécier les hauteurs nouvellement atteintes.
- Oui, cela semble évident! Dit Helard tout en observant l'horizon en direction du sud. Efficace votre pouvoir, mon cher ami.
- Autant que fatigant, bailla le vieillard, j'ai besoin de sommeil dans l'immédiat.
- Votre cabine est toujours dans le même état, nous n'y avons pas touché! David, sommes nous prêt à repartir?
David ne répondit pas tout se suite. Il serrait avec force sa clef à molette contre sa poitrine...
- David?
- Dis Glendal, tu n'utiliseras pas ce pouvoir trop souvent, hein?..
Funrir tourna son regard vers le jeune garçon. Un sourire inquiet s'affichait sur le visage de ce dernier, sur lequel coulait doucement une larme.
- Hein? Euh? Quoi... Ben oui, répondit-il, quelque peu déconcerté. Mais pourquoi?
- Parce que je sers à quoi moi sinon?..
Le cartographe ne sut que répondre, fermant la bouche et la rouvrant tel un poisson des nuages de Saint Bonnet. Ce n'est que lorsqu'il entendit les éclats de rire de la part de tout l'équipage, David inclut, qu'il comprit que l'on se moquait de lui.
- Re - bienvenu parmi nous, cartographe! Félicita le capitaine, riant aux éclats.
Quand les rires cessèrent. Le capitaine ordonna le calme d'un mouvement de main.
- Bon messieurs. J'aimerais pouvoir dire : "Nous voici tous de nouveau réunis". Mais je ne le peux, et vous savez pourquoi!
Tous hochèrent lentement la tête, ils savaient pourquoi!
- Notre compagnon me manque autant qu'à vous. Je ne sais où il est actuellement. Mais je suis sûr que nous le retrouverons!
- Sans doute qu'il est actuellement en 'oute pour not'e île!
Les regards convergèrent tous en direction d'Arabella. Enfin converger est un bien grand mots... Il y avait tellement de point où poser les yeux sur elle.
- Mon ab'utie de famille naviguait dans le coin à ma 'eche'che. Cette andouille a du les 'encont'er... Et ils l'au'ont t'ainé avec lui. Ils avaient juste besoin d'un memb'e de la famille...
- Bien... Merci pour ces inestimable information, madame! David?
- Oui cap'taine?
- Le navire pourra t'il supporter la traversée de deux zones?
- Deux? Euh... En direction du sud?
- Oui...
- Ben... je ne sais pas... Il faut que j'analyse le moteur afin de savoir dans quoi les pouvoirs de Glendal sont intervenus, mais je présume qu'en passant par la péninsule Nilienne pour traverser la première zone, ça devrait passer...
- C'est un sacré détour... et en tentant de traverser les deux zones?
- Ce serait utopique, répondit le cartographe, je doute que nous ayons l'armement nécessaire... Enfin sauf si...
- Nous ne l'avons pas! le coupa Dewon.
- Et bien la question semble être réglé, constata le Capitaine. David, tu peux mettre en route les moteurs! Messieurs, tous à vos poste, nous mettons les voiles pour la ville d'Alexandros!
- Voile sur les filles ! cria Vincenzo.
- Pardon?
- Euh, désolé... Je ne sais pas pourquoi j'ai dis ça!
Tandis que tous s'affairaient, Ludolf demanda à son mentor.
- Pardonnez mon inculture, mais... qu'est ce que les zones?
- C'est... un fait scientifique encore incertain, mais il semblerait que si les îles bougent, elles ne le font qu'autour d'un certain point... C'est ce qu'on appelle les zones! Et tu n'est pas sans savoir que les navires se servent d'une énergie équivalente à celle des diamants noirs pour voler!
-Oui mais.. C'est les plantes destiné aux carburant qui..
-La terre de chaque île est grandement composé de poudre de diamants noir. C'est visiblement ce qui les font se tenir en l'air. Même les métaux ont été visiblement infesté, puisqu'à avec la bonne propulsion et les bons ailerons, les vaisseaux parviennent, contre toutes natures, à voler. Voici ce que fournissent le moteur et les plantes réunies : la propulsion!
- Mais quels danger y a t-il à changer de zone?
-Et bien comme je te l'ai dis, ou non, je ne sais plus... Les îles ne passent pas d'une zone à l'autre. Nul ne sait encore pourquoi, mais l'on le devine. Ceci doit dépendre de quelques points obscurs concernant la poudre noire! On présume que pour une zone il y a une version. Ainsi l'on peut constater que chaque île possède sa zone et y reste, sans tenter de dériver vers une autre.
- Et...
- Tu n'as pas compris? Il en va de même pour les métaux... Si l'on tente de forcer la zone de prédilection du navire pour se diriger vers une autre...
- C'est impossible?
- Si, mais le vaisseau devient beaucoup plus délicat à manier... Mais bon, nous parlons de l'Arcadia!
- Et les munitions?
- Certaines frontières possèdent de grands murs composé de millions de rochers volants de taille variable. Il est folie de tenter de les traverser avec une capacité de navigation amoindrit et aucun moyen de défense. De plus ces "barrages" sont tellement imposants qu'il est impossible de passer par en dessous, ou même en dessus. Seul les avions y parviennent. C'est pour cela que leur utilisation est encore largement répandu.
- Les avions? Demanda avec intérêt le jeune homme.
- Tu en verras bien assez tôt!

Vincenzo s'approcha de Sumire, qui se trouvait sur le point d'ouvrir la porte de sa cabine.
- Délicieuse Sumire, je me demandais néanmoins une chose?
- Ouiii? Répondit l'intéressé, d'un ton légèrement cassant.
- Pourquoi diable avez vous crié tout à l'heure.
Tiens c'est vrai.. pensa-t-elle en actionnant la poignée. Pourquoi est ce qu'elle avait crié tout à l'heu..
- Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!!!!!!

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28 juin 2008

Chapitre 57, par John Craft - Où on explique scientifiquement l'inexplicable

Laissant la pauvre dame hurler sa déception, les membres de l'équipage profitèrent de ce répit de tranquillité pour enfin fêter leurs retrouvailles.
- Ludolf, Glendal, si vous saviez comme vous nous avez manqué !
- Ah, Sawin, c'est bien gentil à toi… balbutia le vieillard ému.
- J'imagine que vous allez pouvoir revenir avec nous, maintenant ? demanda, plein d'espoir, Ryan.
- Bien entendu ! Nous avons maintes choses à accomplir, certes… mais nous pouvons amplement vous faire venir avec nous !
- Comment ça, NOUS viendrons avec nous ? bougonna faussement le capitaine. Sachez que c'est toujours mon vaisseau, et qui si vous allez quelque part, c'est avec MOI !
- Ben dis donc, et nous, alors ? plaisanta Edele.
- Si je puis me permettre… s'avança le marchand.
Son arrivée surprit légèrement les deux vétérans.
- Oh, bien sûr, pardonnez-moi, je fais les présentations : je me nomme Alan Minder. Je suis arrivé… vraisemblablement à la suite de votre "départ". J'ai porté secours à Messire Radcliffe, et je suis également devenu le marchand sur le pont. Oh, et voici Ouki !
Le petit singe qui l'accompagnait habituellement apparut sur son épaule.
- Il est très sympathique, soyez-en certains.
- Très heureux de vous rencontrer, mon cher, déclara Glendal.
- Que va-t-on faire de Mady ?
La question se posa, en effet : que fallait-il faire d'elle ? Elle semblait trop enragée et dangereuse pour se calmer, mais mettre fin à ses jours demeurait une option peu envisageable.
- Pardonnez-moi, j'arrive comme un cheveu sur la soupe, je n'en doute pas, mais…
Tous regardèrent l'archer.
- Je suis arrivé en retard, et un tel spectacle demeure grandement… inhabituel… Pourrais-je obtenir un quelconque résumé de vos aventures ?
Soupirant devant la masse d'informations et de paroles à dévoiler, le vieil homme posa sa main sur l'épaule d'Edele :
- Ma chère, voudrais-tu nous préparer quelque chose ? Nous allons nous reposer ici un instant, et discuter à propos de tout ce que nous avons vécu. Il y a tant de choses à apprendre…



- Ainsi vous possédez maintenant la Spire… fit, fasciné, Alan.
- Oui. Son pouvoir dépasse tant l'entendement, que moi-même j'en ignore toutes les facettes.
L'équipage, réuni sur un long tapis dressé à terre pour déjeuner quelques plats simples mais délicieux préparés par la cuisinières, se reposaient, mais écoutaient attentivement, prêts à s'évanouir lors de révélations incroyables.
Néanmoins, l'archer demeurait imperturbable.
- Pourquoi ne cherchez-vous pas, dans ce cas, à ouvrir la Spire ?
Les regards convergèrent tous vers lui.
- L'ouvrir ?
- Comment, vous l'ignoriez ?
Il se leva, but sa tasse de chocolat, la déposa dans les mains de Sumire, lui caressa tendrement la tête pour la remercier –ce que remarqua désagréablement Edele-, et commença un léger exposé.
- La Spire recèle un pouvoir grandiose, comme vous l'avez fait remarquer. Mais vous en connaissez visiblement tous les aspects historiques; toutefois, vous ignorez beaucoup de faits théoriques et scientifiques qui ont été établis à son propos.
Abasourdis, les deux aventuriers tendirent leurs oreilles avec incrédulité.
- C'est une pierre extrêmement précieuse, composée de carbone sous forme de diamant, de souffre, de salpêtre, d'hydrogène –en grande quantité-, mais aussi d'ingrédients qui, pour des raisons pratiques –elle était enfermée et inaccessible-, n'ont pu être découverts. Mais ces éléments seuls, associés, sont à l'origine de réactions monumentales. Notre très cher canonnier réalise très souvent des réactions qui suivent le même principe que la Spire : l'explosion. Mais le fonctionnement est différent. Le boulet de canon a besoin de poudre, beaucoup, et d'une flamme, pour exploser; la Spire utilise tout ce qui se trouve aux alentours. Le plus souvent, elle se contente d'éléments indétectables, de l'air, de l'oxygène, ce genre de choses. Mais une théorie, qui se veut plutôt probante, affirme qu'il existe quelque chose qui n'est utilisable QUE par la Spire. Il lui sert à fournir une énergie véritablement exponentielle, à la puissance énorme et indicible. C'est de là qu'elle fonctionne : de cette Rine. C'est le nom du scientifique qui a découvert cet élément fictif, mais réaliste. Il serait alors établi, en suivant ses expériences, que la Spire aurait la capacité d'ouvrir en chacun de nous des "prisons" de Rine. Celle-ci s'évacuerait enfin dans nos veines, et permettrait la découverte de nos pouvoirs cachés; mais elle ne fait qu'activer, elle n'engendre pas.
- Vous voulez dire que la Spire ouvre en nous des portes qui nous offrent ce pouvoir ?
- Exact.
- Reviens à cette histoire d'explosion, ça m'intéresse, reprit Dewon.
- J'y arrivais, mais patientez d'abord. Denna Delle a créé cette pierre. Créant la Nature, elle en a suivi les lois malgré tout, parce qu'elle est toute-puissante, et n'ignore pas qu'une aberration naîtrait si elle ne se pliait pas à ce qu'elle contrôlait, paradoxalement. Elle lui a fourni une conscience.
- COMMENT ?
Glendal avait crié sans le vouloir, surpris par une telle annonce.
- Vous racontez n'importe quoi ! Comment une pierre, même divine, pourrait…
- Je sais que ça peut paraître absurde, Monsieur, mais je vous assure que les études qui ont été menées ont toutes abouti à cette idée : la pierre a une conscience. Fragile, petite, mais existante : c'est une "raison de vivre", en quelque sorte. Vous le savez déjà, la magie a été créée et décernée aux pensants pour le Bien, pour le faire. La pierre est une essence de Bien, en quelque sorte : elle fait en sorte d'ouvrir les "bonnes" portes, celles qui permettront d'agir consciencieusement et avec bonté. Elle est capable de détecter des cœurs, des âmes qui correspondront à ses attentes. Le bain de naissance, dans lequel les Spirites étaient trempés bébés, ne faisait qu'enclencher leurs capacités, pour y habituer; mais la Spire ignorait alors si la personne était bonne ou mauvaise, puisqu'elle venait de naître; on ne naît pas Bon ou Mauvais, on le devient. Plus on vieillit, plus la pierre est sûre de notre âme. Et plus elle l'ouvre, donc. Mais on pense également que la pierre ouvrait quelque chose qui activait un état de bonté, d'une certaine façon.
- Tu veux dire que les bébés devenaient gentils plus facilement après avoir été trempés ? demanda Vincenzo, qui, intéressé, en oubliait presque sa dentelle calcinée.
- Exact ! Si les Spirites étaient un peuple si vertueux, c'est parce qu'ils étaient, à la naissance, baignés de vertu. Mais passons donc à l'idée d'explosion, puisque je n'ai abordé là que l'aspect scientifique d'origine de la Spire, mais pas son fonctionnement –enfin, pas jusqu'au bout. Je me suis un peu perdu…
- Continue ! l'incita Edele, fascinée comme les autres.
- Oui, pardon. Donc, l'explosion. Hum… La Spire active en nous ces portes, donc; mais elle a une raison de vivre, comme je vous l'avais dit. Elle veut vivre, et donc s'activer le plus souvent possible. Or, elle utilise la Rine. Quoi de mieux que d'aller la chercher à sa source : la vie ? Car la Rine est produite par les êtres vivants, comme le sang, comme l'oxygène chez les arbres, comme le dioxyde de carbone chez ceux qui respirent, etc… Et renouvelée ! La Spire active donc les vivants pour s'activer elle-même. Elle accumule alors la Rine, après l'avoir récupérée –d'où ces sensations de fatigue, de douleurs, de nausées… lorsqu'on l'utilise-, et l'emmagasine; une fois qu'on s'en sert, on l'expulse, avec une telle force, une telle puissance que les choses peuvent en être détruites, modifiées ou même… créées, quand l'utilisateur est extrêmement doué. Mais cela entraîne donc… des liens. Des liens extrêmement importants. Car celui qui a été éveillé par la Spire peut également chercher à l'éveiller elle-même… Et j'en reviens à ce que je disais au début : vous pourriez certainement l'ouvrir, messire Ludolf. Très certainement. Vous êtes une sorte d'élu, non ? Alors ce lien doit encore plus s'établir à ce contact. Et en ouvrant la pierre vous devriez alors atteindre… des hauteurs vertigineuses…
- Comme quoi ? demanda, rêveur, le capitaine.
- Ca… personne n'en sait absolument rien. Personne n'a jamais réussi à l'ouvrir; mais dans de récentes découvertes, Denna Delle a prévenu de cette manière les Spirites : "S'il vient un jour où la magie sera avec certitude suivie dans son courant le plus pur, quand la rivière de l'Art demeurera claire, alors c'est que mon œuf aura été ouvert, et que, de lui, s'épanouiront toutes les bonnes âmes et périront toutes les sombres cœurs." On n'est absolument pas sûr du sens, mais, surtout, ça pose un autre problème…
- Lequel ? soufflèrent les autres.
- La méthode. On ne sait pas comment l'ouvrir.



- Pardonnez-moi, Alan… Minder, c'est bien ça ?
- En effet, cher Messire Glendal. C'est bien moi.
- Je voulais vous demander… d'où savez-vous toutes ces choses ?
L'archer fit un sourire, mais le vieillard comprit bien qu'il se forçait légèrement.
- J'ai eu un enseignant. Maintenant, si vous voulez bien me permettre, j'ai promis au couple que vous voyez là-bas, ces deux très chers amants, que je leur réciterais quelques poèmes de mon cru pour mettre leurs sentiments passionnés en exergue…
Glendal le regarda s'éloigner vers Ryan et Sumire, et soupira. Mady s'était tue depuis longtemps –très certainement de fatigue, le soir était tombé depuis trois bonnes heures, et elle n'avait cessé de hurler depuis sa défaite-, et quelques uns des marins montraient également des signes de fatigue. Alors il rejoignit Ludolf, et lui parla un instant :
- Nous allons remonter sur le bateau… Nous l'attendions depuis longtemps, n'est-ce pas ?
- Oui, mais… je me rends compte que nous n'avons pas complètement fini…
- Non… Cet archer nous a appris des choses fort rares et complexes, que je n'aurais pas imaginées, et qui ne m'étaient pas venues à l'esprit. Quand j'ai tout appris dans les livres religieux et historiques, lui semble avoir dévoré tous les ouvrages scientifiques.
- Il s'y connaît aussi en divinités et légendes, puisqu'il sait de quoi il parle à propos de la Spire.
- Oui…
Ils marquèrent une pause.
- As-tu tenté de l'ouvrir ? reprit le vieux magicien.
- Je n'ai pas osé… et, d'une certaine façon, je me doute que ce doit être bien plus compliqué qu'on ne le croit…
Il admira la beauté et la splendeur de la Spire, puis retourna vers l'équipage.

19 avril 2008

Chapitre 56 - Partie IV, par Zinzingue

L’Arcadia était maintenant bientôt arrivé sur l’île du Temple. Il avait pu sortir de l’eau grâce à Ludolf, qui sous un effort de concentration extrême, était parvenu à générer une bulle d’air autour du vaisseau qui avait pu ainsi se décoller de la surface de l’eau.
En l’absence de Glendal et de son précieux sens de l’orientation, ils s’étaient dirigés grâce au radar d’un des Marsouins, vers les trois points rouges qui clignotaient. Pour gagner du temps, Ludolf avait demandé au capitaine de suivre cette direction sans autre explication, puis avait raconté son histoire pendant le voyage. L’île était maintenant en vue.
- Je m’étonne de ne pas encore avoir vu les habitants de cette île entourée d’eau nous rattraper, après ce que vous avez fait, remarqua Dewon, alors qu’il discutait avec Ludolf, Abby et David, appuyés sur le bastingage.
- Bah, il leur faut sûrement aussi une tonne de transactions pour lancer une poursuite, répliqua Ludolf. Bon, il faut que j’aille dire au capitaine de plonger maintenant…
- Hein ? Plonger ? Vers les Terres Sombres ? s’étonna David. 
- Oui, c’est là que nous sommes tombés. Mais rassurez-vous, je vais nous faire une petite bulle d’air digne de ce nom !
Sur ces mots, il s’éloigna vers la cabine du capitaine. Quelques minutes plus tard, l’Arcadia piquait du nez vers la couche de nuages sombres et une bulle protectrice l’entourait. Malgré son apparente sérénité, Ludolf était terrifié à l’idée de ce qui avait pu se passer, en dessous, durant son absence. Et il avait de quoi ! Car lorsque l’Arcadia émergea enfin sous les nuages, Sawin, les jumelles de Dralan collées au nez (le capitaine étant à la barre), cria :
- Elle a son arme dans une main et est en train de lui envoyer des sorts avec l’autre !
Cela voulait tout dire : elle avait fini par trouver le diamant noir et s’en prenait à Glendal. Elle voulait le tuer.
- Mais Glendal a sa baguette, reprit le médecin, il se défend !
- Il ne tiendra pas longtemps, répliqua Ludolf. Il est blessé, et il n’a sûrement pas touché la Spire !
- Je m’en occupe ! lança Dewon en sortant de sa poche son fameux canon miniature à vision télescopique.
- Non ! cria Ludolf.
Mais c’était trop tard : Dewon avait déjà pressé la détente et le projectile alla rebondir sur la paroi de la bulle protectrice.
- Oups ! fit Dewon, avant de courir se cacher derrière un tas de tonneaux. Par chance, le projectile passa de justesse à côté de l’Arcadia et alla rebondir sur une autre paroi de la bulle, mais Ludolf savait qu’ils allaient finir par être touchés. Les mais plaquées contre sa tête en prévention, il lança à Dewon, qu’il avait rejoint dans sa cachette :
- C’est une bulle de protection, ça marche dans les deux sens ! Il faut attendre
A peine avait-il prononcé ces mots qu’une explosion retentit. Cette fois-ci, le projectile n’avait pas manqué le vaisseau : il s’était écrasé en plein sur la coque qui prit feu. Le vaisseau perdit l’équilibre et commença à chuter rapidement vers le sol. Heureusement, une fois encore, la bulle limita les dégâts, et tous sortirent indemnes de l’Arcadia, qui était en train de prendre feu. Les deux bulles s’étaient réunies en une seule, et tout le groupe ne perdit pas de temps à se lamenter sur le sort de leur bateau. Ils accoururent vers la scène de combat et Dewon ressortit son canon.
- J’n’aimerais autant pas que tu tues ma grand-mère, lui souffla Dralan dans sa course.
- Et puis l’explosion toucherait aussi Glendal, rétorqua Ludolf.
- Rhô, si on ne peut même plus s’amuser, grogna le canonnier en baissant son arme. Mais à peine l’avait-il rangée qu’ils virent Mady lancer une inquiétante lumière rouge vers Glendal et ce dernier s’effondra.
- NOOOOOOOOOOOOON ! hurla Ludolf de toutes ses forces, en se jetant sur la vieille femme.
Les autres essayèrent de le retenir, mais comme c’était vain, ils décidèrent plutôt de se joindre à lui. Surprise, Mady, qui ne les avait pas vu arriver, fit tomber son arme et fut rapidement maîtrisée. Ludolf s’assura que le diamant était bien toujours dans l’arme et s’en empara. Sans le diamant, les pouvoirs de Mady restaient inutilisables. Puis il se précipita sur Glendal, allongé par terre, le sang souillant sa barbe blanche.
- Son cœur bat, il est vivant ! cria-t-il en sautant de joie.
- Mais il a besoin de sérieux soins, évalua Sawin, qui s’était rapprochée pendant que les autres ligotaient Mady.
Glendal ouvrit faiblement les yeux et murmura :
- La Sp… Spire…
Ludolf avait compris. Il fallait qu’ils touchent la Spire, tous les deux. Il aida le magicien à se relever et avec l’aide de Sawin, ils le soutinrent pour le mener à la Spire. Lorsqu’ils arrivèrent devant la grande pierre spiralée pointant vers les cieux, Ludolf remarqua que face à la lumière qu’elle émettait, Glendal avait vraiment l’air fatigué et mal en point. Il semblait avoir pris dix ans d’un coup.
Sans plus attendre, les deux magiciens tendirent solennellement leur main vers la pierre sacrée, et celle-ci devint alors plus lumineuse. Ludolf sentait la magie affluer en lui dans une sensation de bien-être incomparable. Il se sentait invincible, fort et puissant. Mais à côté de lui, Glendal s’écroula.
- Glendal ! Qu’est-ce qu’il se passe ?
Sawin et Ludolf se penchèrent sur le corps du vieil homme, qui leur murmura :
- Ce… ça va aller, c’est bon, je l’ai touchée…
- Il est très affaibli et à peine conscient, déclara Sawin. Il faut faire quelque chose !
- Comment savoir quels sont nos pouvoirs, Glendal ?
- Je.. je ne sais pas… ils se manifesteront quand nous en aurons besoin…
- Bien, il est temps de rejoindre les autres, déclara Sawin en aidant le cartographe à se relever. Toujours en le soutenant, ils rejoignirent les autres, qui avaient fini de ligoter Mady.
- Je suis désolé, Ma, disait Helard, mais il faut bien te rendre inoffensive…
Pour toute réponse, la vieille femme grogna en lui lançant un regard hargneux.
- Bon, je crois que nous devrions aller voir l’état du bateau, déclara le capitaine.
Et ils prirent alors la marche vers le bateau, dont toute une moitié ressemblait d’avantage maintenant à une épave calcinée.
- Comment allons nous faire pour sortir de là avec ça ? demanda Edele avec inquiétude.
- Mon Dieu ! s’exclama Vincenzo. Ma cabine est dans la zone qui a brûlé ! Mes dentelles, mes belles dentelles !
Et il éclata en sanglots.
- Heureusement, ma cabine n’a pas brûlé, répliqua Sumire. Autrement, on aurait perdu le journal de bord…
- Ah oui, hem... c’est… super ! commenta David.
Puis, alors qu’elle s’éloignait de lui, il se pencha près d’Alan qui se trouvait à ses côtés et murmura à son oreille :
- Super dommage, en réalité…
Personne, sauf Ludolf, ne semblait remarquer ce qu’il se passait : Glendal s’était mis à trembler et ses mains se levaient devant lui sans qu’il puisse les contrôler. Un flot de lumière éclatante en jaillit alors et alla frapper les restes de l’Arcadia dans une explosion de lumière blanche. Eblouis, tous se cachèrent les yeux, et lorsque la lumière s’atténua, ils découvrirent un bateau flambant neuf.
- La réparation ! s’exclama Ludolf. C’est ça votre pouvoir, Glendal !
- Apparemment, dit-il d’une voix faible. Mais ça me coûte en énergie… Il faut que je répare aussi le Temple…
- Excellente idée ! s’enthousiasma Ludolf. Allons-y, capitaine !

Quelques minutes plus tard, grâce à la bulle protectrice qui les entourait toujours, ils étaient tous remontés en surface avec l’Arcadia. Ils accostèrent le long de la petite île, et Ludolf et Sawin accompagnèrent Glendal à l’intérieur du temple dont le fond avait été arraché. Un flot de lumière plus tard, il était reconstruit : la Spire et toutes les pierres étaient remontées toutes seules et tout s’était reconstitué. Satisfait de ce dernier effort, Glendal sombra dans un sommeil long et profond. Sawin et Ludolf, passablement inquiets, le portèrent jusqu’à l’Arcadia, et ils reprirent le large.
On avait allongé Glendal dans sa cabine et Sawin lui apportait tous les soins nécessaires ; mais il ne s’était pas encore réveillé. Mady était toujours ligotée, dans la cabine du capitaine, et Dralan, qui ne savait pas quoi faire d’elle, essayait de la raisonner, avec l’aide de Ludolf, qui était principalement concerné. Mais il n’y avait rien à faire. Elle était à moitié hystérique et demandait où était passé son diamant noir.
- C’est moi qui l’ait, déclara Ludolf en sortant l’objet de toute cette convoitise de sa poche. Et soit dit en passant, j’aimerai autant qu’elle soit détruite et qu’elle disparaisse à jamais, ça règlerait le problème…
C’est alors que Ludolf sentit sa main trembler. Il l’ouvrit à plat, le diamant reposant dans sa paume et un rayon de lumière en sortit, traversant le cristal noir jusqu’au plafond. Quelques secondes plus tard, tous regardaient d’un air ébahi la main grande ouvert de Ludolf, dans laquelle se consumaient des petits grains noirs qui s’évaporèrent aussitôt.
- « ils se manifesteront quand nous en aurons besoin », murmura-t-il. C’est ça, c’est mon pouvoir : détruire les choses et les faire disparaître !
- Eh bien, voilà, les choses se sont donc réglées d’elles-mêmes, fit Dralan, flegmatique, en détachant sa grand-mère.
- Non, murmurait celle-ci d’une voix rauque. Non…
Libérée, elle s’approcha de la main encore tendue et ouverte de Ludolf pour mieux voir.
- NOOOOOOOOOOOOOOON ! hurla-t-elle cette fois-ci à pleins poumons, jusqu’à s’en couper le souffle.
- Et si… fit Ludolf.
Et il referma son poing.

19 avril 2008

Chapitre 56 - Partie III, par Zinzingue

Les deux magiciens firent volte-face et virent apparaître dans l’ombre une silhouette décharnée.
- Merci, Monsieur Funrir pour ce cours d’histoire fort passionnant ! Je suis désolée, je n’ai pas osée vous interrompre avant.
- Mady ! s’écria Glendal. Comment diable nous avez-vous retrouvée ?
- Oh, vous savez, nous ne vivons plus dans un monde médiéval fait de magie et de déesses. Il existe en ce monde une technologie bien réelle qui permet toutes sortes de choses. En l’occurrence, ma méthode se résume en cinq lettres : RADAR. Ah mais pardon, vous êtes aussi un scientifique, vous devez déjà savoir tout ça... Ah et puis j’oubliais une partie de ma réponse : il semblerait que vous ayez oublié de refermer le passage de la statue, ce qui m’a permis d’arriver jusqu’ici...
- Vous ne m’empêcherez pas d’accomplir ma tâche ! lui lança Ludolf dans une exclamation hargneuse.
- Oh non, je ne vais pas t’en empêcher, car j’ai exactement le même projet !
- Comment ? s’étonna Glendal. Il y a quelques jours vous vouliez nous tuer ?!
- C’était avant que je n’assiste à votre petit cours d’histoire, je vous avais bien dit qu’il m’a paru fort passionnant ! J’y ai appris que vous aviez un petit secret de plus dont vous ne m’aviez pas fait part la dernière fois, concernant cette fameuse prophétie. Eh bien ça tombe bien, car moi aussi j’avais gardé un de nos secrets...
Elle s’avança vers eux de quelques pas, apparaissant un peu plus à la lumière de la baguette de Glendal. Sous cet éclairage, ses traits semblaient encore plus marqués de folie que la dernière fois qu’ils l’avaient vue. Peut-être même n’était-ce pas un effet de la lumière...
- Je suis donc désolée de vous l’apprendre, reprit-elle, mais il manque un épisode à votre chronologie. Ou du moins, un de vos épisodes est inexact...
Elle s’approchait encore, et aucun des deux magiciens ne répondait. Elle avait capté leur attention. Cependant, ils restèrent sur leurs gardes...
- Cela remonte à la guerre des îles Alkaïr, expliqua-t-elle. Nous, les Alkaïriens, avions le diamant du mage noir, et comme vous l’avez remarqué sur mon bateau, ce diamant est capable de nous conférer une certaine magie. Mais ce que vous ne saviez pas, c’est que tel quel, ses pouvoirs étaient limités. Comme nous n’étions pas nous-mêmes magiciens, le diamant ne pouvait nous révéler toute l’étendue de sa magie que si nous étions mis avec lui au contact de la Spire. Et pour atteindre la Spire, nous avions bien évidemment besoin du pouvoir du Spirite pour ouvrir le passage vers la chambre secrète. Ainsi, notre véritable projet était en réalité d’acquérir toute l’étendue des pouvoirs du diamant noir avant de nous débarrasser de notre pion et de sceller l’accès à la Spire. Nous n’en avons pas eu le temps. Le Spirite noir avait fini par comprendre ce qui se tramait, et il nous devança pour sceller la Spire avant que nous ayons pu profiter de son pouvoir. Ce n’est pas cet acte de trahison qui sauva sa peau, je peux vous le dire. Mais malgré toute la satisfaction qu’a pu nous procurer sa mort, nous n’avions plus aucun espoir de parvenir un jour à toucher la Spire et acquérir le Pouvoir. Et aujourd’hui, j’apprends que ce jeune mousse a la capacité de déceler la Spire ! Quelle heureuse coïncidence ! Finalement, tout ce que le geste du mage noir a permis, c’est de faire survivre vos lignées. Pour cela, vous lui devez une fière chandelle. Mais malheureusement, je crains que tout ce rab ne se termine aujourd’hui !
Sur ces derniers mots, elle avait levée vers eux une arme à feu. Pris de surprise, Glendal et Ludolf ne purent rien faire. Elle s’était trop rapprochée pour pouvoir exercer un bouclier : elle serait incluse dedans.
- Cette arme est chargée à l’énergie magique du diamant noir, si j’étais vous, je n’essaierai pas de m’y mesurer... Donc Funrir, tu vas lâcher ta baguette, et Ludolf, tu vas aller gentiment faire disparaître cette cloison, sinon je te jures que je descend ton « maître » !
Elle avait tourné son arme vers Glendal, qui n’eut d’autre choix que de laisser tomber son bâton. Mady jeta un œil vers Ludolf, qui était parvenu au niveau du mur noir. Il semblait à nouveau hésitant.
- Ludolf ! lança Glendal. Tu n’es pas obligé, ma vie n’a plus aucune importance !
- Oui, mais la sienne, si, répliqua Mady. Et je n’hésiterai pas à le tuer aussi si il ne coopère pas.
- Vous allez nous tuer de toute façon, fit remarquer Ludolf en jetant derrière lui un regard haineux à la vieille femme.
« Donc notre seule chance de salut est la Spire, songea-t-il, et les pouvoirs personnels qu’elle peut nous conférer. Je dois l’ouvrir... »
Il était alors plus déterminé que jamais, lorsqu’il leva la main vers la cloison et la plaqua contre elle.
Il ressentit d’abord un léger tremblement sous sa paume. Puis le mur se dissout presque immédiatement, disparaissant sous forme de milliers d’étoiles noires. Il fallut un moment à tout le monde pour se ressaisir de la rapidité du phénomène. Puis ils eurent furtivement le temps d’apercevoir la Spire, une immense et magnifique pierre spiralée et nacrée, flottant la pointe vers le haut dans un bassin, sous un immense dôme voûté, avant que tout ne s’effondre…
Ce fut d’abord le plafond au dessus d’eux qui commença à s’effriter. De lourds morceaux se mirent à tomber, les manquant de peu. L’un d’eux s’écrasa juste entre Glendal et Mady, qui fit tomber son arme pendant la confusion. Puis très vite, ce fut le sol qui se mit à s’écrouler à son tour. Tous perdirent l’équilibre et tentèrent de se raccrocher quelque part.
- Evidemment, souffla Glendal, agrippé à un bloc de pierre. Cette cloison magique indestructible soutenait tout le temple en ruines ! Sans elle, tout s’effondre !
- Et il ne pouvait pas avoir cette révélation plus tôt, le génie ? cracha Mady, en proie à un effort surhumain pour se retenir à une dalle du sol encore ancré dans la terre ferme.
Mais le pire était en train de se dérouler plus loin, au niveau de Ludolf, où toute la partie de la chambre secrète sous le dôme, y compris la Spire, était en train de s’enfoncer littéralement vers les Terres Sombres, sans aucun point de rattache. Ludolf tenta remonter la pente aussi vite qu’il le pouvait en rampant vers l’entrée de la salle, mais derrière lui, les dalles de pierre qui disparaissaient une à une dans le vide, à une vitesse vertigineuse le rattrapèrent trop rapidement et il fut entraîné à son tour.
Dans un grand effort de concentration, Glendal fit alors apparaître une grande bulle protectrice autour de l’ensemble, alors qu’ils commençaient à leur tour à partir en chute libre, entraînés par l’effondrement du sol qui amenuisait de plus en plus la surface rattachée à la terre ferme. Tout sembla alors se figer, comme si les pierres s’étaient mises à flotter toujours à la même place dans la bulle. Mais cette dernière tombait bel et bien en chute libre. Elle passa au travers des nuages climatiquement instables qui séparaient les cieux des Terres Sombres, et bientôt, la bulle alla rebondir sur le sol rocheux de ce désert infini. Ceci eut pour effet de projeter tout le monde un peu partout. Ludolf fut éjecté en arrière et Glendal s’écrasa sur un tas de pierres, tandis que Mady alla directement s’étaler... contre la Spire !
Lorsque la bulle commença à se stabiliser, Glendal émergea des cailloux sur lesquels il était tombé en se massant la tempe, où il saignait abondamment. Mais, imperturbable, il entreprit de retrouver sa baguette dans les éboulis. Mady, elle, était indemne, et lorsqu’elle réalisa sur quoi elle était tombée, elle explosa de joie.
- la Spire ! J’ai touché la Spire ! Il faut vite que je retrouve mon arme, le diamant est dedans ! Il me faut le diamant pour acquérir le pouvoir ! Il peut être n’importe où dans ce tas de débris !
Ludolf, indemne lui aussi, se releva rapidement et accourut vers la Spire. Il ne l’avait pas touché, lui, et il fallait qu’il le fasse. C’était leur seule chance de salut. Mais c’était sans compter la folie meurtrière de Mady, cette fameuse démence qui lui faisait redoubler de force. Elle se mit en effet à lancer vers lui des blocs de pierre qui devaient bien peser au moins une vingtaine de kilos.
- Ne t’approches pas de cette Spire, tu serais écrasé avant !
Inquiet, Ludolf fit alors un pas en arrière et mis le pied sur quelque chose qui cria. Il se dégagea rapidement et comprit qu’il avait marché sur la main de quelqu’un, enfoui sous un tas de dalles de pierres. Il y avait une quatrième personne avec eux !
Ludolf se hâta de dégager des dalles et découvrit un homme, un marin à en juger par son accoutrement. Il n’était pas trop amoché et encore conscient.
- Qui êtes-vous ? l’interrogea Ludolf sans cérémonie.
- Je... je crois que je me suis cassé le bras, je...
- Qui êtes-vous ? répéta Ludolf, et que faites-vous là ?
- Je, j’étais dans le temple... Je suis l’otage de cette vieille dégénérée, elle m’a entraîné jusqu’ici et m’a demandé de l’attendre en haut de l’escalier en colimaçon avec cet engin, pour qu’elle puisse repartir au plus vite...
Il désignait un petit vaisseau à une place, plus loin, qui se confondait avec les pierres. Cet engin était bien connu de Ludolf.
- Un Marsouin ! s’écria-t-il.
Sans plus se préoccuper de ce pauvre marin, il se précipita vers le vaisseau et fit un bilan de la scène avant de prendre une décision. Glendal était en vie, mais blessé et en danger. Il cherchait sa baguette alors que Mady, elle, cherchait son arme pour en extraire le diamant noir, tout en protégeant le territoire de la Spire de quiconque tenterai de s’en approcher. La situation était grave, mais pas encore désespérée. Il fallait du renfort. Des gens capables de maîtriser la furie. L’Arcadia.
Ludolf prit alors place dans le Marsouin et consulta l’écran. Un radar y était affiché, sans doute celui-là même qui avait permis à Mady de les retrouver car sept points rouges, représentant les sept Marsouins, devina-t-il, clignotaient sur l’écran. Quatre étaient localisés à cet endroit même. Les deux qu’ils avaient utilisés avec Glendal pour venir, et sûrement deux autres avec lesquels étaient venus Mady et son « otage ». Les trois autres Marsouins étaient groupés ensemble, beaucoup plus loin. A proximité de l’Arcadia, sans nul doute. Ludolf mit donc le cap sur ces trois points clignotants, faussant ainsi compagnie à Mady qui ne se rendit compte de rien, trop occupée à chercher ardemment son arme. Lorsqu’il traversa les parois de la bulle protectrice, une plus petite bulle l’entoura jusqu’à ce qu’il ait franchi la barrière de nuage vers les cieux, plus stables et respirables. Puis il fonça pleins gaz.

Après un temps qui lui parut bien trop long, il parvint enfin à proximité des trois Marsouins. Il vit alors l’Arcadia, posé sur une grande étendue d’eau faisant partie d’une île. Mais sur son radar, seulement deux points clignotaient à cet endroit. Le troisième n’étais pas très loin, sur une partie émergée de l’île ou se dressaient les toits d’une ville. Si quelqu’un était là bas, il fallait qu’il aille le chercher avant de partir avec l’Arcadia. Grâce au radar, il trouva très rapidement où était le petit vaisseau, mais son occupant n’y étais pas. Le Marsouin était garé devant une imposante maison d’aspect officiel, et après s’être posé à son tour, Ludolf se risqua à frapper à la porte.
Un majordome lui ouvrit et lui demanda ce qu’il voulait.
- Je cherche quelqu’un… savez-vous si le propriétaire de ce vaisseau (il montra le Marsouin derrière lui) est ici ?
- Il y a en effet une jeune femme, une certaine mademoiselle Deil qui est venue demander de l’aide au maire. Mais pour les rejoindre, vous devez demander une audience, tout comme elle l’a fait…
- Pardon ?
- Vous devez vous rendre à l’office des audiences qui se trouve à l’autre bout de la ville. Puis, une fois que vous aurez obtenu le papier, il faut aller le faire signer par le centre d’authentification et d’acceptation. Ce après quoi vous devrez vous procurer l’autorisation N°5492 auprès du siège de gestion des transactions, et aller la donner au comité de laissez-passer. Et puis si vous avez de quoi payer 452 doublons, vous pourrez aller dans la salle d’attente avec un numéro de passage…
- La salle d’attente ?
Le majordome désigna une porte à droite du vestibule et l’ouvrit. Ludolf poussa une exclamation. Une trentaine de personnes attendaient là, dans une atmosphère enfumée par les émanations de leurs cigares et de leurs pipes.
- Mais, mais, je n’ai pas le temps, c’est urgent, et puis je n’ai pas 452 doublons !
- Dans ce cas, vous devrez passer par la commission d’étude de cas où vous il vous faudra passer un entretien d’évaluation pour savoir si vous êtes digne d’être reçu par le maire. Si votre résultat est positif, vous devrez attendre votre certificat qui met plusieurs jours à être fabriqué… Ce n’est pas de chance, votre amie avait l’argent, elle…
- Mais je ne peux… Je… ABBY !
- Mais que faites-vous, taisez-vous donc !
- ABBY ! SI TU M’ENTENDS, VIENS VITE ! C’EST URGENT !
Le majordome, affolé, plaqua maladroitement ses mains contre la bouche de Ludolf, qui continuait à crier de toute la puissance de ses poumons. Finalement, une porte, au fond du vestibule s’ouvrit, et une Abby surprise effrayée débarqua dans la pièce.
- Ludolf ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? Lâchez-le, mais lâchez-le donc !
Alors qu’Abby tirait sur les bras du majordome, celui-ci lâcha prise et Ludolf ne perdit pas une seconde pour entraîner Abby dehors.
- Vite, dans le Marsouin, lui lança-t-il.
- Mais qu’est-ce que… ?
- Pas le temps ! Filons ! Vers l’Arcadia ! Ils vont sans doute essayer de nous rattraper !
Abby retrouva très vite ses esprits. Après tout, elle était habituée à ce genre de situation depuis qu’elle officiait sur l’Arcadia. Les deux Marsouins foncèrent dans le ciel et Abby prit les devants.
Très vite, ils furent en vue de l’Arcadia et allèrent atterrir sur le pont inférieur, où ils furent accueillis par la totalité de l’équipage (sauf Boumie, qui manquait à l’appel, remarqua Ludolf). Tous semblaient stupéfaits de revoir Ludolf et ils manifestèrent leur surprise en criant son nom en cœur. Mais Ludolf ne leur laissa pas le temps de poser des questions. Il descendit en hâte de son petit engin, s’avança vers Dralan et lui dit, d’un ton grave :
- Capitaine, j’ai besoin de votre aide…

19 avril 2008

Chapitre 56 - Partie II, par Zinzingue

Pendent ce temps...

Glendal et Ludolf progressaient lentement dans le temple, sous une faible lumière filtrée par les grands vitraux recouverts de plantes grimpantes au dehors. A l’intérieur, la végétation avait également pris le dessus, mais on pouvait cependant distinguer les vestiges d’anciennes voûtes soutenues par des piliers sculptés recouverts de lierre. Ludolf admirait ce décor intriguant d’église abandonnée, tout en prenant garde à ne pas trébucher sur les dalles soulevées par de grosses racines.
Ils arrivèrent bientôt à un autel, sur une plateforme surélevée par trois marches, derrière lequel s’élevait une impressionnante statue représentant une splendide femme dans une somptueuse robe, et dont la longue chevelure tombait à ses pieds. Elle tendait devant elle une main, comme en signe de bienvenue. Pourtant, d’après ce que Ludolf pouvait en juger, c’était le fond du temple, et il se demanda bien ce que Glendal voulait lui montrer de plus. C’est alors que, sans un mot, Glendal sortit de sa poche une sorte de baguette, sertie à son extrémité d’une pierre blanche et étincelante, qui, à la grande surprise de Ludolf, devint légèrement lumineuse au contact de la main du magicien. Glendal appuya l’extrémité de sa baguette sur la main tendue de la statue, et Ludolf poussa un cri de surprise. La pierre de la baguette de Glendal était devenue presque éblouissante, et les yeux de la statue s’étaient allumés et brillaient de la même intensité. C’est alors que, dans un raclement sourd, la statue tourna sur elle-même, comme si elle était animée de vie, et dégagea derrière-elle une ouverture où plongeait un étroit escalier en colimaçon.
- Allons-y, déclara Glendal en ouvrant la marche, son bâton éclairant, à la manière d’une torche, le chemin souterrain qu’ils suivaient.
En bas, ils débouchèrent dans une salle souterraine, moins impressionnante que ce à quoi s’attendait Ludolf, à sa grande déception. Pas beaucoup plus longue que large, elle était fermée au fond par une cloison noire, opaque, et nue. Les autres murs, cependant, étaient majoritairement ornés de fines fresques qui couraient tout le long jusqu’au fond.
- Ces fresques racontent une histoire, commenta Glendal. Notre histoire. Et j’aimerai que tu la lises...
Sans discuter, Ludolf s’approcha de la fresque qui ornait le mur de gauche et remarqua qu’elle représentait en effet une suite d’événements qui se lisaient dans le sens de la lecture. Sur la première image, une splendide et gracieuse femme sculptait un globe dans la terre...
- C’est la femme de la statue ! s’écria Ludolf.
- Exactement, et que fait-elle ?
- Elle... elle... c’est la Déesse créatrice vénérée par les Spirites, bien sûr ! Elle sculpte notre monde ! Et sur l’image suivante, elle créé une grande pierre en spirale qu’elle laisse derrière elle avant de quitter Esperia.
- Exact, acquiesça Glendal. Il s’agit bien de la déesse Denna Delle. Et la pierre sacrée qu’elle abandonne s’appelle la Spire. Si tu regardes les scènes suivantes, tu remarqueras que les Spirites semblent la vénérer autant que Denna Delle. Ils la placent dans un temple, au cœur d’une fontaine, et ils utilisent cette eau pour bénir les nouveaux-nés. Cela leur confère des pouvoirs dont ni toi, ni moi avons idée...
- Que voulez-vous dire ?
- Eh bien, les Spirites ont quelques pouvoirs rudimentaires, souvent de protection, qui se manifestent surtout par réflexe et peuvent difficilement être contrôlés. C’est ce qu’il t’est arrivé lorsque tu as créé une bulle d’air lorsque nous tombions vers les Terres Sombres, ou encore lorsque tu as dissipé le brouillard après l’attaque de Mr Rudcliff. Moi, je suis capable de contrôler cette petite magie grâce à mon bâton, car il est serti d’un fragment synthétique de Spire qui peut canaliser mes pouvoirs.
Glendal désigna du regard la pierre lumineuse au bout de sa baguette.
- C’est grâce à cette baguette, poursuit-il, que j’ai pu moi-même faire apparaître une bulle d’air protectrice lors de notre première descente dans les Terres Sombres. Je la gardais précieusement sur moi afin de l’utiliser dans d’autres circonstances où elle serait nécessaire. Mais cette petite magie n’est rien comparée à ce que l’on peut développer si on entre au contact de la Spire elle-même. Car ce contact permet aux Spirites d’acquérir un pouvoir personnel, bien plus puissant et totalement contrôlable...
Ludolf ouvrit de grands yeux, dans une expression qui en disait long sur son état d’étonnement, bien qu’il fût incapable d’émettre le moindre commentaire.
- C’est pour cela qu’à l’époque d’Esperia, continua Glendal, les enfants étaient bénis dans une eau dans laquelle baignait la pierre sacrée ; cela leur permettait dès l’enfance de développer leur pouvoir personnel. Maintenant, veux-tu bien reprendre la lecture de la fresque ?
- Euh, je... oui, bien sûr... Les Spirites développent donc leurs pouvoirs, qui leur permettent de prospérer. Plusieurs fresques montrent qu’ils vivent heureux et sans problèmes, et puis... je ne sais pas... je ne suis pas sûr de comprendre le sens de cette fresque...
Ludolf s’était arrêté sur une scène où la déesse créatrice Denna Delle apparaissait dans le ciel, impressionnante dans sa splendeur et dans la rage qui se lisait sur son visage. En dessous d’elle, un Spirite peint entièrement en noir, comme une ombre, utilisait son pouvoir pour en tuer un autre. La déesse levait sa main vers lui et... Plus rien, ils en étaient arrivés à la cloison noire, l’histoire semblait s’arrêter là.
- Cette fresque représente Denna Delle punissant un Spirite qui utilise son pouvoir pour faire le mal, expliqua Glendal. Elle symbolise le fait universellement reconnu chez les Spirites que nous sommes liés par un contrat tacite avec la déesse afin de ne jamais utiliser la magie à mauvais escient. La nature des Spirites veut que, généralement, jamais de telles idées ne nous passe par la tête. C’est notre essence même, celle de Denna Delle. Cependant, il arrive que l’âme de certains d’entre nous se pervertisse, auquel cas la déesse nous punit en supprimant nos pouvoirs. Si on en revient à la fresque, il s’est passé beaucoup d’événements dans l’histoire depuis cette dernière scène, et notre histoire reprend sur le mur opposé, quelques milliers d’années plus tard, avec un exemple concret de la perversion de l’âme dont peut faire preuve un Spirite. Si tu veux bien continuer...
Ils longèrent alors le mur noir du fond. Ludolf se demandait bien pourquoi cette fresque chronologique présentait une lacune de plusieurs milliers d’années, mais il oublia très vite la question en découvrant les nouvelles fresques de l’autre côté de la salle. Sur la première d’entre-elles, un petit groupe de Spirites peints en noir semblait fabriquer une sorte de diamant noir.
- C’est le début de l’histoire de la guerre des îles Alkaïr ! s’exclama Ludolf. Ce sont ces mages noirs qui ont fabriqué ce diamant magique volé par la suite par les Alkaïriens !
- C’est exact ! Comme tu peux le voir dans les scènes suivantes, ce groupe de Spirites noirs utilise leurs pouvoirs à mauvais escient, pillant, tuant et cherchant à imposer leur dominance sur les autres Spirites. Pervertis, ils perdirent leurs pouvoirs pour avoir rompu le contrat qui les liait à Denna Delle. Mais ils étaient parvenus, en unissant leurs pouvoirs, à créer ce puissant diamant, qui leur permettait de continuer à exercer leur magie la plus noire. C’est là qu’interviennent les Alkaïriens...
- Ils saisirent ce prétexte pour démarrer une nouvelle guerre, continua Ludolf, toujours en suivant la fresque, et parvirent à corrompre un de ces Spirites noirs pour utiliser son diamant. La scène suivante montre ce Spirite noir faire apparaître par magie un mur noir devant la Spire...
- Tout à fait ! Afin de dominer sur le peuple Spirite, les Alkaïriens lui ont demandé de sceller tout accès à la Spire, cette cloison magique devant être hermétique à toute forme de magie ou même de mécanique visant à la détruire. Beaucoup s’y sont essayé, mais toujours en vain. Ainsi, dans les générations futures, plus aucun Spirite n’aurait l’accès à la Spire et le peuple perdrait alors ses pouvoirs personnels. C’est ainsi que les Alkaïriens prirent le dessus, affaiblissant les Spirites et devenant eux-mêmes plus puissants grâce au diamant noir. Ils supprimèrent leur pion de Spirite noir qui ne leur servait plus à rien et ce fut le début de leur ascension vers le pouvoir.
- C’est effrayant, commenta Ludolf, en observant la série de fresques qui illustrait les propos du magicien. Mais il poussa un cri de surprise lorsqu’il passa aux trois scènes suivantes ; les trois dernières fresques. Glendal émit un petit sourire intérieur. Ils en arrivaient enfin au plus intéressant, à la raison pour laquelle il avait amené son jeune apprenti ici.
La première scène représentait un Spirite enfant venant du ciel et atterrissant sur une île. Sur la seconde, ce même jeune Spirite générait une bulle d’air autour d’un bateau volant. Et sur la dernière, il faisait disparaître la cloison magique qui scellait l’accès à la Spire !
- C’est... c’est moi ? bégaya Ludolf, confus.
- Ces fresques sont la représentation de la prophétie d’un vieux Spirite dont le pouvoir consistait en des visions divinatoires, expliqua Glendal. Cela est arrivé vraisemblablement en même temps que la mort du Spirite noir à l’origine de cette cloison magique. Des témoins, dont faisaient partie un de mes ancêtres, ont rapporté les paroles que le vieil homme proférait pendant sa transe.
Glendal sortit de sa poche un morceau de parchemin jauni et racorni par le temps.
- « Lorsque la race des Spirites sera quasiment éteinte, lit-il, un magicien apparaissant de nulle part arrivera avec le pouvoir de desceller la Spire. Il représentera l’espoir de la renaissance du peuple des Spirites ». C’est ce qu’a noté mon ancêtre avant de faire transmettre ce parchemin de générations en générations en même temps que notre secret. Mais le Spirite medium a lui aussi pris la peine de compléter la fresque chronologique en peignant des éléments de sa vision.
- Mais... pourquoi a-t-il fait ça si ça devait rester secret ?
- Parce que, comme tu l’as vu, il faut présenter notre pouvoir Spirite à la statue de Denna Delle pour pénétrer ici. Les Alkaïriens en ont toujours été incapables. Ils ne pouvaient donc pas avoir accès à ce secret. C’est d’ailleurs pour la même raison qu’ils ont envoyé le Spirite noir pour sceller la Spire, eux-mêmes ne pouvant pas pénétrer dans la chambre sacrée...
- Hein ? Vous voulez dire que ce sont les mêmes temples ? Je veux dire, ce temple-là, avec les fresques, et celui qui renfermait la Spire ?
- Qui la renferme toujours, corrigea Glendal.
Soudain, tout devint clair dans l’esprit de Ludolf, comme le brouillard qu’il avait dissipé sans le savoir l’autre jour, sur l’Arcadia. Ce mur noir, au fond du temple, n’était autre que cette cloison magique... Cette cloison magique qu’il était le seul à pouvoir faire disparaître, d’après ce qu’il avait compris. La Spire était là, juste de l’autre côté !
- Cela explique aussi la lacune dans la chronologie, pensa-t-il tout haut. Tout ce qui manquait se trouve derrière également !
- Eh oui, et heureusement, tous les éléments qui importaient pour ta compréhension se trouvent de notre côté, au début, à la Création, et à la fin, pendant la guerre des îles Alkaïr, sans oublier la prophétie...
- Et donc, c’est moi... C’est moi qui dois faire disparaître ce mur ? Mais comment ?
- Je pense qu’il te suffit de t’approcher du mur, de poser ta main dessus et des laisser agir ton cœur.
Ludolf s’avança d’un pas hésitant vers le mur noir, la main tendue, tremblante, devant lui.
- Toute cette pression, la survie d’un peuple repose sur moi... je ne sais pas si je vais y arriver...
- Ludolf, tu es l’espoir que nous attendons tous depuis des générations ; tu dois y arriver, c’est la prophétie qui parle. Abandonne-toi seulement au désir ardent qui brûle dans ton cœur de Spirite, ne pense plus à autre chose !
Mais alors que Ludolf semblait un peu plus déterminé, il fut coupé dans son élan par un son de claquement de mains qui résonna derrière eux.
- Bravo, bravo, résonna la voix d'une vieille femme particulièrement rauque. Comme c’est émouvant ! Je crois que je vais pleurer !

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NB : J’ai changé l’appellation de la pierre magique du Spirite noir en « diamant noir » afin d’éviter les confusions avec la pierre noire de Victoria.

19 avril 2008

Chapitre 56 - Partie I, par Zinzingue

Le jour se levait sur l’Arcadia, toujours immobilisé sur son étendue d’eau inerte. Mais beaucoup de monde était déjà réveillé sur le vaisseau.
A commencer par Sumire, dont le sommeil était troublé par les gémissements de la jeune fille trempée qu’elle avait trouvée la veille au soir. Elle avait décidé, en parfaite héroïne, pensait-elle, de ligoter et bâillonner l’intruse et de l’enfermer discrètement dans sa cabine sans en parler aux autres. Elle voulait elle-même l’interroger afin d’évaluer ses intentions avant d’en faire part au capitaine. Mais la jeune fille n’avait pas voulu délier sa langue de toute la soirée. Les seules paroles qu’elle avait daigné prononcer, c’était pour réclamer de la tequila... Quel culot ! C’est pourquoi Sumire l’avait laissée toute la nuit ligotée sur le sol dur et froid de sa cabine. Mais l’inconnue n’avait pas été la seule à geindre ce matin là. Sumire avait également entendu Edele pousser des petits cris dans son sommeil, et quelques temps plus tard, le pas encore claudiquant d’Alan avait résonné sur le plancher jusqu’à sa cabine. En temps normal, tout ceci aurait éveillé la curiosité de Sumire, mais elle était trop préoccupée par sa prisonnière pour se soucier du reste. Qui plus est, elle entendit Alan quitter la cabine de la cuisinière seulement quelques minutes après y être entré. Il n’y était resté que trop peu de temps pour qu’il s’y soit passé quelque chose d’assez croustillant pour être raconté dans son journal personnel.
Et effectivement, rien de particulier ne s’était déroulé dans la cabine de la cuisinière, au grand dam d’Alan qui au fond de lui aurait souhaité qu’il en eût été autrement. Ca aurait pu être le moment idéal, songea-t-il avec rage, mais il avait fallu qu’il choisisse ce moment là pour promettre au capitaine de lui faire une soupe ! Quelques heures après le départ d’Abby, la veille au soir, Helard avait semblé quelque peu inquiet et Alan avait jugé approprié de le détendre un peu, tout en laissant Edele se reposer. C’est pourquoi il s’était porté volontaire pour lui cuisiner lui-même cette soupe, sans penser au revers de la médaille.
Maintenant, une nuit entière s’était déroulée depuis le départ d’Abby, et Alan ne pouvait même pas imaginer l’état d’anxiété dans lequel le capitaine se trouvait. Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, imaginant les pires atrocités qu’il avait pu arriver à la jeune femme sur cette île hostile (car il avait appris dans sa vie de pirate que la présence d’eau autour d’une île ne se révélait jamais de bon augure). Aussi, il bondit brusquement de la chaise dans laquelle il se morfondait lorsqu’il entendit la voix d’Arabella crier :
- Ma‘souins en vue ! Ma’souins en vue !
Mais quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’il arriva dehors, de voir non pas un petit point arriver vers l’Arcadia, mais deux (car il ne peut pas entendre les « s » à la fin, lui, eh oui). Tout l’équipage était également sorti, Sumire avec des cernes sous les yeux, et Alan traînant derrière lui une odeur de poireaux ; mais personne n’y prêtait attention, leur espoir s’étant transformé en curiosité à la vue des deux petits vaisseaux. Le capitaine en particulier était allé chercher ses jumelles, et commençait à voir se dessiner la silhouette d’Abby aux commandes du premier petit vaisseau. Mais le second, caché derrière, ne laissait pas encore entrevoir qui pouvait bien se trouver à ses commandes. Il fallut attendre que les deux vaisseaux soient à quelques mètres de l’Arcadia pour que l’équipage puisse enfin reconnaître…
- Ludolf ?!
Alors que les deux vaisseaux atterrissaient sur le pont inférieur, tout le monde s’y précipita. Mais avant que quiconque n’ait pu poser la moindre question, Ludolf sauta de son Marsouin et s’avança vers Dralan.
- Capitaine, dit-il d’un ton grave, j’ai besoin de votre aide…


24 heures plus tôt…

Lady « Mady » Helard, toujours hors d’elle suite à son échec cuisant, naviguait sans trop savoir vraiment où aller. Elle avait fini, en désespoir de cause, par interroger les gens partout où elle passait, pour leur demander si par hasard ils n’avaient pas vu voler deux petits vaisseaux étranges. Cela ne l’avait menée nulle part. Dépitée, elle accosta sur une petite île et alla noyer sa colère avec quelques pintes de bière dans la taverne du coin. Elle en était à son huitième verre lorsqu’elle commença à perdre la notion des conversations qui affluaient autour d’elle...
- Je te l’ai dis, Tristan, j’aime cette fille et je ne sais...
- ...pas comment te décrire ce qu’il s’est passé, je n’ai jamais...
- ... vu ça, une tempête très violente au sud, tu devrais faire...
- ...attention, elle sort avec un type plutôt balèze...
- Je sais, Tristan, mais tu ne comprends pas, je ne pouvais pas le...
- ...prévoir, cette bande de pirates est arrivé et ça a très vite...
- ...dégénéré, crois-moi, le vent insoutenable, la pluie gelée, et ces coups de tonnerre, ces coups de...
- ...foudre direct, Tristan, et je veux sortir...
- ...dehors, et là j’ai vu ces deux drôles de petits engins atterrir, ça ne sentait pas bon, alors je me suis...
- ...tiré loin de ce nuage noir pour rentrer ici, alors vas-y si tu y tiens, mais je t’aurais...
- ...prévenu, son mec n’est vraiment pas commode, il est plutôt armoire à...
- ...glace, s’il vous plaît, tavernier ?
- STOOOOOOP !
Mady avait entendu des mots qui l’avaient fait sortir de sa torpeur. Mais l’alcool qui courait dans ses veines l’avait fait réagir un peu tard...
- Vous pouvez revenir en arrière ? fit-elle devant une assemblée de clients bouche bée.
- Euh...
- Oui, bon, qui a parlé de deux drôles de petits engins, rectifia-t-elle en réalisant la bêtise de sa question précédente.
Un homme leva alors timidement sa main, l’air à la foi surpris et inquiet.
- A quoi ressemblaient ceux qui en sont sortis ? lui demanda-t-elle sèchement.
- Euh, je ne les ai pas vus, je suis partit av...
- C’était où ?
- Pardon ?
- Où ? Sur quelle île ?
- l’Isola Bella, pourqu...
Mais il n’eut pas le temps de terminer sa réponse, Mady s’était déjà levée tout en jetant une petite bourse sur le bar. Elle était sur le point de franchir la porte d’un pas titubant qu’elle n’avait pas en entrant, lorsque le tavernier l’interpella :
- Hey ! Vous ne pouvez pas partir comme ça !
- Ca ira très bien pour moi, je vois remercie !
Mais le tavernier l’avait déjà rejoint sur le palier et la retenait fermement par le bras...
- Lâchez-moi, espèce de... je vous dis que je vais bien !
- Ce n’est pas ça, vieille mégère, qu’est-ce que vous croyez que j’en ai à faire que vous soyez pleine comme un trou ? C’est juste que vous ne m’avez payé que six bières !

Après avoir réglé à sa façon son différend avec le tavernier, Mady reprit la route en direction de l’Isola Bella. Elle remarqua sur sa carte que l’île se trouvait tout près de l’endroit où elle avait abandonné l’Arcadia. Et donc ce même endroit où les deux magiciens avaient eux-mêmes quitté le bateau. Tout concordait, et ils n’avaient pas du aller bien loin en fait !
Elle arriva quelques heures plus tard, retardée par une altercation avec policier de la brigade de l’air qui l’avait arrêté pour excès de vitesse et conduite en état d’ivresse, et avec qui elle avait réglé cette affaire de la même manière qu’avec le tavernier (à la différence près que cette fois-ci, il y avait le vide en dessous).
Après avoir accosté, elle interrogea un vieux marin qu’elle trouva sur le port ; du moins, si on peut qualifier d’interrogation le fait d’empoigner un homme par le col et de le plaquer contre un mur...
- Dites-moi, avez-vous vu ces derniers jours deux petits vaisseaux étranges atterrir ici ?
- Euh... je... oui, je crois que oui...
- Avez-vous vu qui en est ressorti ? Pouvez vous me dire où ils ont atterri ? S’ils sont repartis ? Où ils sont allés ?
- Je... ils ont atterri dans le petit bois, j’étais sur le port, donc je ne les ai pas vu sortir, je ne... arrêtez, arrêtez ! suffoqua-t-il alors que Mady resserrait son étreinte. Je... j’ai vu deux personnes sortir du bois après, je suppose que c’était eux...
- Comment étaient-ils ?
- Il... il y avait cette grande femme brune qui semblait commander, et un homme avec une tête de corbeau... Ils sont repartis ensuite sur un grand bateau Pagalais, le « Salvatos », je n’en sais pas plus...
Mady desserra son étreinte. Cette description ne correspondait pas à ceux qu’elle recherchait. Ca ne correspondait même à aucun membre de l’Arcadia. Voilà qui était bien curieux.
- Conduisez-moi à ce petit bois, je veux trouver ces deux engins !
L’homme s’exécuta sans discuter. Le petit bois se trouvait derrière une plage, non loin du port, et ils n’eurent aucun mal à trouver les deux engins. Mady examina les deux petits vaisseaux. Pas de doute possible, il s’agissait bien de deux de ces Marsouins de l’Arcadia.
- Comment peuvent bien marcher ces trucs, marmonna Mady en tournant autour d’un des deux engins.
Curieuse, elle s’installa au poste d’un des deux vaisseaux et commença à toucher à tous les boutons. Soudain, un écran s’alluma sur le tableau de bord, et révéla une carte du ciel sur laquelle clignotaient sept points rouges.
- Un radar, dit-elle. Et, oh, il y a deux points rouges qui clignotent ici, sur l’Isola Bella... Bien sûr ! Ce sont les Marsouins ! Ce qui veut dire que...
Elle examina attentivement le radar. Deux points clignotaient toujours ici, sur l’Isola Bella. Un autre clignotait un peu plus au nord, sur une île entourée d’eau, tout près de deux autres qui semblaient être sur l’eau (« Sûrement sur l’Arcadia », songea Mady). Et, beaucoup plus loin, sur une petite île isolée, clignotaient les deux derniers points, seuls.
- Enfin, je vous tiens ! ricana Mady d’un air mauvais. Vous ! lança-t-elle en se tournant vers le pauvre marin qui espérait qu’elle l’avait oublié. Vous prenez le deuxième engin et vous venez avec moi ! J’aurais peut-être besoin du deuxième vaisseau plus tard. Nous allons en finir avec ces traîtres !

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