Chapitre 56 - Partie IV, par Zinzingue
L’Arcadia était maintenant bientôt arrivé sur
l’île du Temple. Il avait pu sortir de l’eau grâce à Ludolf, qui sous
un effort de concentration extrême, était parvenu à générer une bulle
d’air autour du vaisseau qui avait pu ainsi se décoller de la surface
de l’eau.
En l’absence de Glendal et de son précieux sens de
l’orientation, ils s’étaient dirigés grâce au radar d’un des Marsouins,
vers les trois points rouges qui clignotaient. Pour gagner du temps,
Ludolf avait demandé au capitaine de suivre cette direction sans autre
explication, puis avait raconté son histoire pendant le voyage. L’île
était maintenant en vue.
- Je m’étonne de ne pas encore avoir vu les
habitants de cette île entourée d’eau nous rattraper, après ce que vous
avez fait, remarqua Dewon, alors qu’il discutait avec Ludolf, Abby et
David, appuyés sur le bastingage.
- Bah, il leur faut sûrement aussi
une tonne de transactions pour lancer une poursuite, répliqua Ludolf.
Bon, il faut que j’aille dire au capitaine de plonger maintenant…
- Hein ? Plonger ? Vers les Terres Sombres ? s’étonna David.
- Oui, c’est là que nous sommes tombés. Mais rassurez-vous, je vais nous faire une petite bulle d’air digne de ce nom !
Sur
ces mots, il s’éloigna vers la cabine du capitaine. Quelques minutes
plus tard, l’Arcadia piquait du nez vers la couche de nuages sombres et
une bulle protectrice l’entourait. Malgré son apparente sérénité,
Ludolf était terrifié à l’idée de ce qui avait pu se passer, en
dessous, durant son absence. Et il avait de quoi ! Car lorsque
l’Arcadia émergea enfin sous les nuages, Sawin, les jumelles de Dralan
collées au nez (le capitaine étant à la barre), cria :
- Elle a son arme dans une main et est en train de lui envoyer des sorts avec l’autre !
Cela voulait tout dire : elle avait fini par trouver le diamant noir et s’en prenait à Glendal. Elle voulait le tuer.
- Mais Glendal a sa baguette, reprit le médecin, il se défend !
- Il ne tiendra pas longtemps, répliqua Ludolf. Il est blessé, et il n’a sûrement pas touché la Spire !
- Je m’en occupe ! lança Dewon en sortant de sa poche son fameux canon miniature à vision télescopique.
- Non ! cria Ludolf.
Mais
c’était trop tard : Dewon avait déjà pressé la détente et le projectile
alla rebondir sur la paroi de la bulle protectrice.
- Oups ! fit
Dewon, avant de courir se cacher derrière un tas de tonneaux. Par
chance, le projectile passa de justesse à côté de l’Arcadia et alla
rebondir sur une autre paroi de la bulle, mais Ludolf savait qu’ils
allaient finir par être touchés. Les mais plaquées contre sa tête en
prévention, il lança à Dewon, qu’il avait rejoint dans sa cachette :
- C’est une bulle de protection, ça marche dans les deux sens ! Il faut attendre
A
peine avait-il prononcé ces mots qu’une explosion retentit. Cette
fois-ci, le projectile n’avait pas manqué le vaisseau : il s’était
écrasé en plein sur la coque qui prit feu. Le vaisseau perdit
l’équilibre et commença à chuter rapidement vers le sol. Heureusement,
une fois encore, la bulle limita les dégâts, et tous sortirent indemnes
de l’Arcadia, qui était en train de prendre feu. Les deux bulles
s’étaient réunies en une seule, et tout le groupe ne perdit pas de
temps à se lamenter sur le sort de leur bateau. Ils accoururent vers la
scène de combat et Dewon ressortit son canon.
- J’n’aimerais autant pas que tu tues ma grand-mère, lui souffla Dralan dans sa course.
- Et puis l’explosion toucherait aussi Glendal, rétorqua Ludolf.
-
Rhô, si on ne peut même plus s’amuser, grogna le canonnier en baissant
son arme. Mais à peine l’avait-il rangée qu’ils virent Mady lancer une
inquiétante lumière rouge vers Glendal et ce dernier s’effondra.
- NOOOOOOOOOOOOON ! hurla Ludolf de toutes ses forces, en se jetant sur la vieille femme.
Les
autres essayèrent de le retenir, mais comme c’était vain, ils
décidèrent plutôt de se joindre à lui. Surprise, Mady, qui ne les avait
pas vu arriver, fit tomber son arme et fut rapidement maîtrisée. Ludolf
s’assura que le diamant était bien toujours dans l’arme et s’en empara.
Sans le diamant, les pouvoirs de Mady restaient inutilisables. Puis il
se précipita sur Glendal, allongé par terre, le sang souillant sa barbe
blanche.
- Son cœur bat, il est vivant ! cria-t-il en sautant de joie.
- Mais il a besoin de sérieux soins, évalua Sawin, qui s’était rapprochée pendant que les autres ligotaient Mady.
Glendal ouvrit faiblement les yeux et murmura :
- La Sp… Spire…
Ludolf
avait compris. Il fallait qu’ils touchent la Spire, tous les deux. Il
aida le magicien à se relever et avec l’aide de Sawin, ils le
soutinrent pour le mener à la Spire. Lorsqu’ils arrivèrent devant la
grande pierre spiralée pointant vers les cieux, Ludolf remarqua que
face à la lumière qu’elle émettait, Glendal avait vraiment l’air
fatigué et mal en point. Il semblait avoir pris dix ans d’un coup.
Sans
plus attendre, les deux magiciens tendirent solennellement leur main
vers la pierre sacrée, et celle-ci devint alors plus lumineuse. Ludolf
sentait la magie affluer en lui dans une sensation de bien-être
incomparable. Il se sentait invincible, fort et puissant. Mais à côté
de lui, Glendal s’écroula.
- Glendal ! Qu’est-ce qu’il se passe ?
Sawin et Ludolf se penchèrent sur le corps du vieil homme, qui leur murmura :
- Ce… ça va aller, c’est bon, je l’ai touchée…
- Il est très affaibli et à peine conscient, déclara Sawin. Il faut faire quelque chose !
- Comment savoir quels sont nos pouvoirs, Glendal ?
- Je.. je ne sais pas… ils se manifesteront quand nous en aurons besoin…
-
Bien, il est temps de rejoindre les autres, déclara Sawin en aidant le
cartographe à se relever. Toujours en le soutenant, ils rejoignirent
les autres, qui avaient fini de ligoter Mady.
- Je suis désolé, Ma, disait Helard, mais il faut bien te rendre inoffensive…
Pour toute réponse, la vieille femme grogna en lui lançant un regard hargneux.
- Bon, je crois que nous devrions aller voir l’état du bateau, déclara le capitaine.
Et ils prirent alors la marche vers le bateau, dont toute une moitié ressemblait d’avantage maintenant à une épave calcinée.
- Comment allons nous faire pour sortir de là avec ça ? demanda Edele avec inquiétude.
- Mon Dieu ! s’exclama Vincenzo. Ma cabine est dans la zone qui a brûlé ! Mes dentelles, mes belles dentelles !
Et il éclata en sanglots.
- Heureusement, ma cabine n’a pas brûlé, répliqua Sumire. Autrement, on aurait perdu le journal de bord…
- Ah oui, hem... c’est… super ! commenta David.
Puis, alors qu’elle s’éloignait de lui, il se pencha près d’Alan qui se trouvait à ses côtés et murmura à son oreille :
- Super dommage, en réalité…
Personne,
sauf Ludolf, ne semblait remarquer ce qu’il se passait : Glendal
s’était mis à trembler et ses mains se levaient devant lui sans qu’il
puisse les contrôler. Un flot de lumière éclatante en jaillit alors et
alla frapper les restes de l’Arcadia dans une explosion de lumière
blanche. Eblouis, tous se cachèrent les yeux, et lorsque la lumière
s’atténua, ils découvrirent un bateau flambant neuf.
- La réparation ! s’exclama Ludolf. C’est ça votre pouvoir, Glendal !
- Apparemment, dit-il d’une voix faible. Mais ça me coûte en énergie… Il faut que je répare aussi le Temple…
- Excellente idée ! s’enthousiasma Ludolf. Allons-y, capitaine !
Quelques
minutes plus tard, grâce à la bulle protectrice qui les entourait
toujours, ils étaient tous remontés en surface avec l’Arcadia. Ils
accostèrent le long de la petite île, et Ludolf et Sawin accompagnèrent
Glendal à l’intérieur du temple dont le fond avait été arraché. Un flot
de lumière plus tard, il était reconstruit : la Spire et toutes les
pierres étaient remontées toutes seules et tout s’était reconstitué.
Satisfait de ce dernier effort, Glendal sombra dans un sommeil long et
profond. Sawin et Ludolf, passablement inquiets, le portèrent jusqu’à
l’Arcadia, et ils reprirent le large.
On avait allongé Glendal dans
sa cabine et Sawin lui apportait tous les soins nécessaires ; mais il
ne s’était pas encore réveillé. Mady était toujours ligotée, dans la
cabine du capitaine, et Dralan, qui ne savait pas quoi faire d’elle,
essayait de la raisonner, avec l’aide de Ludolf, qui était
principalement concerné. Mais il n’y avait rien à faire. Elle était à
moitié hystérique et demandait où était passé son diamant noir.
-
C’est moi qui l’ait, déclara Ludolf en sortant l’objet de toute cette
convoitise de sa poche. Et soit dit en passant, j’aimerai autant
qu’elle soit détruite et qu’elle disparaisse à jamais, ça règlerait le
problème…
C’est alors que Ludolf sentit sa main trembler. Il
l’ouvrit à plat, le diamant reposant dans sa paume et un rayon de
lumière en sortit, traversant le cristal noir jusqu’au plafond.
Quelques secondes plus tard, tous regardaient d’un air ébahi la main
grande ouvert de Ludolf, dans laquelle se consumaient des petits grains
noirs qui s’évaporèrent aussitôt.
- « ils se manifesteront quand
nous en aurons besoin », murmura-t-il. C’est ça, c’est mon pouvoir :
détruire les choses et les faire disparaître !
- Eh bien, voilà, les choses se sont donc réglées d’elles-mêmes, fit Dralan, flegmatique, en détachant sa grand-mère.
- Non, murmurait celle-ci d’une voix rauque. Non…
Libérée, elle s’approcha de la main encore tendue et ouverte de Ludolf pour mieux voir.
- NOOOOOOOOOOOOOOON ! hurla-t-elle cette fois-ci à pleins poumons, jusqu’à s’en couper le souffle.
- Et si… fit Ludolf.
Et il referma son poing.