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La Cité des Cieux, monde des îles et des bateaux volants...
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3 août 2007

Chapitre 13, par Sumire : Où il est beaucoup question de nourriture

9h00 : Mon cher journal, la situation est si grave à bord de l'Arcadia que j'ai trouvé bon de me lever plus tôt que d'habitude. Dressons le bilan de notre dernière escale : aucun ravitaillement – sans parler du fait que nous avons récupéré une bouche de plus à nourrir -, une bataille navale où l'on ne m'a pas donné le moindre rôle à jouer, et pour finir, nous voilà complètement, désespérément, irrémédiablement perdus.

9h35 : Je viens de croiser Dewon, qui m'a dit qu'Abby lui avait dit que Ryan avait entendu que le Capitaine avait appris de Sawin qu'Edele était souffrante ce matin. J'irais bien voir de quoi il retourne si je n'avais pas peur d'être moi-même contaminée.

10h15 : Sawin est montée sur le pont pour nous apprendre une terrible nouvelle : durant notre désastreuse escale, Edele aurait été touchée par une fléchette empoisonnée, dont l'existence n'avait pas été découverte tout de suite. Une violente fièvre la clouait au lit, l'empêchant ainsi de subvenir à nos besoins culinaires. Comment allons nous survivre à cette nouvelle épreuve ?...

11h42 (presque l'heure du déjeuner) : L'abattement semble avoir atteint l'ensemble de l'équipage. Tout le monde est silencieux et pleure l'absence du délicieux fumet sortant habituellement des cuisines.

Midi : Le Capitaine a convoqué tout le monde sur le pont pour une réunion d'urgence – excepté Sawin, qui est restée au chevet d'Edele.
« Mes amis, l'heure est grave, nous dit-il. Il nous faut trouver un remplaçant en cuisine, le temps qu'Edele se rétablisse. »
Tout le monde se regarda en chien de faïence, semblant attendre des autres qu'ils dévoilent au grand jour un talent culinaire caché.
Au final, Dewon se proposa de capturer quelques poissons à l'aide de son arsenal de combat, afin de remplir le garde-manger aussi vide que les poches de Boumie après une partie de poker. Le Capitaine accepta cette proposition avec enthousiasme.

13h20 : On a fini par s'apercevoir que Dewon atomisait tous les poissons dont le diamètre était inférieur à celui de son boulet, et qui était pourtant le seul gibier potentiel dans cette contrée inconnue. Bien que l'équipage désapprouve ce choix, Dewon se justifia en disant que « si maigre pitance ne méritait pas d'être mangée par l'équipage de l'Arcadia ». Boumie aurait volontiers souhaité qu'il pêche une autre baleine, mais le poisson semble taquin aujourd'hui.

16h00 : Devant la situation de crise, tout l'équipage a déserté son poste et entoure Dewon pour l'encourager à utiliser des boulets de diamètre inférieur pour nourrir leurs estomacs, en dépit de la taille ridicule des poissons.

16h20 : Finalement, c'est Ryan qui a apporté la solution à notre délicat problème. Il est revenu fièrement sur le pont, tenant un goujon de vingt bons centimètres, et devant l'extase des membres de l'équipage, expliqua que rien ne valait la méthode traditionnelle : une bonne vieille canne à pêche armée d'un hameçon. Comme quoi, bien qu'ils puissent voler, les poissons n'ont décidément pas évolué et gardent le QI d'une huître.

16h30 : Depuis dix minutes, tout le monde débat sur la façon dont il conviendrait d'accommoder notre prise. Boumie voudrait du goujon mariné, tandis que Ryan le préfèrerait frit, Dewon suggèrerait un bon barbecue, et David une fricassée. Finalement Ryan s'emporte en déclarant qu'il s'agit de son poisson, et que si Boumie n'était pas content, il n'avait qu'à aller se chercher une baleine en Terres Sombres si le cœur lui en disait. Excédé, le Capitaine finit par poser la question fatidique :
« Qui va s'en charger ? »
Un grand silence s'installe, on entend juste le bourdonnement des poisson-mouches.
Finalement, je sens un courage soudain m'envahir et je m'écrie :
« Je vais le faire !... C'est moi qui vais cuisiner ce poisson ».
Un nouveau silence ponctue cette déclaration enflammée, et soudain le visage du Capitaine s'illumine, comme à la vue du délicieux potage d'Edele, et il se précipite sur moi, me prend par les épaules et dit :
« Sumire, vous pourriez faire ça ? Je veux dire... vous vous en sentiriez capable ?
- J'ai souvent fait ça par le passé, j'ai été servante dans les cuisines royales quelques temps et je suis sûre qu'ils ont beaucoup regretté mon départ. »
En vérité, je me contentais de goûter les plats en regardant faire les cuisinières, mais je suis persuadée qu'il n'y a rien de plus simple au monde que de faire cuire un pauvre poisson.
Emu jusqu'aux larmes, le Capitaine me nomma officiellement remplaçante cuisinière, et ajouta :
« Au nom de tout l'équipage, Sumire, merci du fond du cœur. Soyez bien sûre que vous aurez notre éternelle reconnaissance », et ce discours larmoyant s'acheva sur un gargouillement sonore émis par son estomac, ce qui eût pour effet de le faire devenir plus rouge qu'un poisson rouge.

17h40 : Voilà mon plan : je trouve un livre de cuisine illustré, je prépare un merveilleux goujon mariné pour Boumie, et après ça je suis sûre qu'il aura meilleure opinion de moi.

18h15 : J'ai fourragé un moment dans la cabine de Glendal – toujours en train de chercher où nous sommes, plongé dans ses cartes dans la cabine du Capitaine – et j'ai fini par trouver un vieux livre de cuisine moisi et jauni, mais qui faute de mieux, fera l'affaire.

18h20 : J'ai remonté ma trouvaille sur le pont pour la montrer à l'équipage. Glendal niera par la suite avoir eu connaissance d'un tel intrus dans sa collection d'ouvrages rares et précieux.

18h45 : J'ai demandé à Abby de vider le poisson pendant que je me mets en quête d'ingrédients pour la sauce.

19h05 : J'ai trouvé mon bonheur dans la cabine de Sawin – toujours auprès d'une Edele entre la vie et la mort. Doutant que les herbes médicinales puissent remplacer la ciboulette, j'ai trouvé une jolie fiole cachée dans une armoire – dont la clé se trouvait sous le paillasson – et qui renferme un liquide d'une couleur assez proche de celle décrite dans la recette.

19h30 : Ca y est, le goujon marine à souhait dans la sauce mystère, dont j'espère que personne ne me demandera la composition. J'ai voulu faire goûter mon chef d'oeuvre au dragon de Dewon, mais celui-ci semble avoir le palais susceptible depuis l'affaire du caramel d'Edele, et il me tire sa langue fourchue en émettant un tssss tssss courroucé. Je lui fit remarquer qu'avec ses flammèches verdâtres ridicules, il n'y avait pas de quoi la ramener.

19h35 : J'ai apporté mon offrande à Boumie, qui était tourné vers le sud et priait tous les dieux de la création de lui donner sa chance de manger un autre quartier de baleine un jour. Tremblant sous le coup de l'émotion, il s'apprêtait à goûter mon met lorsque Sawin arriva, l'air épuisée.
« Curieuse, ta sauce, s'étonna t-elle. Qu'as-tu utilisé pour la faire ? »
Sans doute faisait-elle allusion à tous les placards vides de la cuisine, ce à quoi je répondis fièrement :
« J'ai utilisé une fiole de ton armoire, celle avec un A dessus, A comme Assaisonnement ».
Sawin pâlit et s'écria :
« Boumie, recrache ça tout de suite !
- Attends ton tou' comme les aut'es, lança celui-ci en rigolant, portant une cuillérée à sa bouche.
- A c'est pour Arsenic, répondit sèchement Sawin semblant regretter de lui sauver la vie. »
La suite serait trop longue à te raconter, cher journal, toujours est-il que le pauvre goujon partit rejoindre les Terres Sombres, et Boumie remonta en haut de son mât, grommelant contre cette fichue habitude de Sawin de collectionner les poisons – ce qui lui fichait la « chai' de moule », et priant à nouveau tous les dieux du ciel de bien vouloir qu'Edele se rétablisse au plus vite.

20h10 : Finalement, c'est notre esclave, Viny, qui fut préposé à la cuisine. Boumie l'avait attrapé par le col en dentelle de sa chemise, l'accusant d'être un fardeau pillant nos maigres provisions alors qu'il astiquait vaillamment le sol en compagnie de son tablier rose. J'ai de la peine pour lui, d'autant que je suis responsable de la plupart des crimes dont on l'accuse.

22h30 : Couverts en main, l'équipage impatient attend notre seul repas de la journée. Finalement, Vincenzo arriva en grande pompe, portant majestueusement un plat unique où reposait ce qui ressemblait vaguement à une algue séchée.
« Un repas diététique et sans matières grasses pour ces messieurs dames ! lança t-il d'un ton enjoué. »
Boumie se métamorphosa sous nos yeux en requin-tigre, menaçant notre esclave de sa fourchette en le sommant de nous apporter le « v'ai 'epas ». Visiblement, la faim lui a fait perdre la raison.

23h00 : Nous sommes sortis de table encore plus affamés qu'avant, après s'être disputés la feuille de salade dont pas même une sardine n'aurait voulu. Notre seul espoir de survie réside dans la guérison d'Edele.
Plongée dans mes pensées, je passais par hasard devant la cabine du Capitaine, et j'entendis des voix filtrant à travers la porte. Sawin et le Capitaine sont en grande conversation, et ma curiosité l'emporte sur la prudence : peut-être élaborent t-ils des projets d'escapade pour aller se fiancer quelque part sur une île exotique, où ils décideront de vivre leur amour au grand jour. Peut-être même deviendrais-je capitaine à la place du Capitaine. Je colle mon oreille contre le battant pour mieux entendre.
« Comment va Edele ? demanda le Capitaine d'un air soucieux.
- Mieux, répondit Sawin, la fièvre a baissé et ses jours ne sont plus en danger. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'elle semble tourmentée dans son sommeil, et que cela retarde d'autant sa guérison... »
Apparemment, ils ont dû différer leurs projets en raison de l'état de santé d'Edele. Sawin reprend :
« La fièvre la fait délirer, mais j'ai parfois l'impression que quelque chose d'autre, quelque chose qu'elle aurait probablement voulu oublier, la tourmente au plus profond de son être. Plus important, je l'ai entendue dire : « Non, pas ça... Ils ne doivent pas savoir ce que j'ai fait, jamais... ». Pour l'instant, elle se repose. Mais dès qu'elle ira mieux, il faudra aller lui parler. »
Je n'arrive pas à y croire. Se pourrait-il qu'Edele, notre si charmante et talentueuse cuisinière, cache un secret plus terrible encore que celui du caramel lacrymogène ?

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