Chapitre 22, 2ème partie, par Sanosuke : Où on explose, on reconquérit et on remplit le garde-manger
Pendant ce temps là, sur une place non loin du port, Dewon, David,
Sumire et Vincenzo étaient en train d'épier les mouvements des gardes
pour trouver une occasion pour David d'entrer dans l'Arcardia. Les
quatre pirates avaient réussi à se fondre dans la foule qui remontait
de la cité vers le port, en se disant que quand on est recherché, le
mieux à faire reste de chercher le plus de monde possible. Pendant
qu'ils observaient, Dewon s'exclama :
-Mince, on a oublié de ravitailler le bateau en vivres ! On n'a plus rien à bord, et surtout plus de rhum...
Les trois autres le regardèrent avec un air désemparé, d'autant plus
que l'escalade des trois cents et quelques marches menant au bateau
avait définitivement réveillé leur estomac vide.
-C'est de la nourriture qu'ils transportent, dans ces drôles de caisses
? s'exclama soudain Sumire en désignant un petit hangar où deux hommes
entreposaient des caisses fraîchement descendues des bateaux. Je dois
en avoir le cœur net ! Viens, Viny !
-Attends ! répondit Dewon alors que la jeune femme avait empoigné par
le col son « esclave » et commençait à faire discrètement le tour des
bâtiments.
-Laisse, dit David en posant sa main sur l'épaule de Dewon. Quand elle
a une idée dans la tête, c'est dangereux d'essayer de la dissuader...
Alors que Sumire et Vincenzo étaient partis dans une rue qui semblait
parallèle au quai pour rejoindre ce qui semblait être un entrepôt par
l'arrière, David analysait les mouvements des gardes, et repéra la
direction d'un des miliciens, à savoir une fontaine et ce sans doute
pour se désaltérer. Il était donc le moins susceptible de l'apercevoir,
et le mécanicien s'avança vers le navire avec des gestes infiniment
précis et calculés, tandis que Dewon restait caché un peu plus loin,
pour couvrir ses arrières.
Soudain, un garde qui ne faisait pas partie de ceux qui gardaient
l'accès au navire déboula d'une ruelle, faisant mine de chercher
quelque chose par terre. Il passa d'abord devant David, qui s'était
caché dans un coin, sans le voir, et arrivait en direction de Dewon.
Ce dernier, ne sachant pas vraiment pas quoi faire, se redressa et
s'adossa en face de la fontaine, puis sortit de sa poche un livre qu'il
venait d'acheter à la technopole, et finalement se plongea le nez
dedans en faisant mine d'être passionné par sa lecture.
Le garde entra dans la place, et apercevant devant lui Dewon qui
faisait mine de lire « L'Encyclopédie des Canons et des Engins
Explosifs volume 3 », il lui demanda tout en se rapprochant s'il
n'avait pas vu un medaillon par terre. Dewon secoua la tête à toute
vitesse et se replongea dans sa lecture, mais il avait éveillé les
soupçons du garde qui le fixait et se rapprochait toujours plus,
jusqu'à ce qu'il soit à cinquante centimètres de lui.
-Vous êtes suspect, vous ! dit-il au jeune cannonier. Vous ne seriez pas recherché, par hasard ?
-Chut ! fit Dewon en posant un doigt sur ses lèvres.
-Quoi ?
Le jeune cannonier posa délicatement dans les mains du garde ce qui
ressemblait vaguement à une boule de billard noire, agrémentée d'une
petite ficelle. Mais en y regardant plus près, l'homme se rendit compte
que la taille de la ficelle diminuait très rapidement et que cette
dernière produisait de minuscules étincelles.
-Mèche courte, dit Dewon avec un grand sourire.
Alors que l'homme en face de lui se rendait compte qu'on venait de lui
offrir une bombe, Dewon profita de l'occasion pour rejoindre David, et
le garde pris de panique n'eut pas de meilleure idée sur le moment que
de jeter la boule noire vers la fontaine, qui explosa moins de deux
secondes plus tard dans un grand bruit.
-Le ciel nous tombe sur la tête ! s'exclama une vieille femme toute proche avec une voix stridente.
Les morceaux de l'édifice se dispersèrent sur toute la place et les
miliciens gardant l'Arcadia délaissèrent leur poste pour se rendre
compte des évènements, offrant à David et Dewon l'occasion d'investir
leur propre navire.
Pendant ce temps, les deux autres avaient réussi à trouver une échelle
assez grande pour monter sur le toit de l'entrepôt. Une fois sur le
toit, ils mirent quelques minutes à trouver ce qui ressemblait à une
trappe, qui était bien visible d'ailleurs, mais il ne faut pas trop
leur en demander... Sumire ouvrit donc cette trappe pendant que
Vincenzo allait chercher une corde, et ils (ou plutôt Sumire)
décidèrent que le mousse descendrait en éclaireur dans le hangar.
Un peu plus bas, un des gardes qui faisait sa ronde se trouva nez à nez
avec une corde semblant un sournois serpent dans sa descente, et, comme
ce même garde devait avoir le sens de l'expérience (et la subtilité
d'une méduse), il tira évidemment dessus d'un grand coup sec. La
réaction ne se fit pas attendre : la corde tomba, suivie de près par
Vincenzo qui assoma le gare en aterrissant sur lui. En haut, Sumire
leva le pouce et s'exclama :
-Bien joué !
-Je suis si lourd que ça ? couina Vincenzo en commençant à sangloter.
En guise de réponse, Sumire sauta en s'étalant sur Vincenzo et sur le garde.
-C'était peut-être pas une bonne idée, fit-elle en essayant de se lever
difficilement de dessus son compagnon, qui, lui, était incapable de
bouger jusqu'à ce qu'une âme charitable daigne bien l'aider.
Une fois les deux relevés, Sumire fit part à Vincenzo de son sens inné de la déduction en disant :
-Bon, s'il y a un garde, il y en a forcément d'autres dehors.
-Je vais devoir repasser ma tunique, répondit Vincenzo en faisant mine
de n'avoir rien entendu, peu désireux d'avoir à jouer au héros.
Ce dernier se rendit soudain compte que le garde tenait un papier dans
sa main, et sa curiosité maladive reprenant le dessus, il se tordit la
tête pour essayer de le lire, non sans déception : il s'agissait en
effet d'une liste de numéros suivis de noms, un banal inventaire
d'entrepôt. Rien de très croustillant, donc, pour quelqu'un qui aime à
colporter des ragôts en coiffant les jeunes filles. Cependant, le
numéro inscrit sur la caisse que le jeune homme avait pris pour un
trône temporaire était griffonné sur la liste à côté du nom « bananes
»...
Faisant part de sa trouvaille à sa compère, dont les yeux
s'illuminèrent au son « nourriture », Vincenzo fut par la suite
contraint de servir de porteur pendant que Sumire remplissait l'énorme
sac qu'ils avaient pris soin d'emmener.
-Et maintenant, comment on ouvre la porte ? fit Sumire alors que
Vincenzo suffoquait sous le poids des aliments qu'il portait sur « sa
si fragile et frêle colonne vertébrale ».
Comme une réponse, quelques déflagrations se firent entendre,
semblables à des pétards, et Dewon apparut devant eux les bras croisés.
-Je commençais à trouver le temps long, alors j'ai fait sauter les
gonds de la porte, dit-il fièrement. Ah, ne vous inquiétez pas pour les
gardes, je les ai enfermés là-bas...
-Le petit cabanon, là-bas ? demanda Sumire en désignant une bâtisse bringuebalante.
-Quand on se prétend garde, on ne s'arme pas que d'une épée, fit Dewon
d'un air supérieur. C'était facile de les neutraliser avec un canon
plasma portable à viseur biométrique et de les immobiliser avec de quoi
faire un joli feu d'artifice...
-Et quand vous aurez fini, vous pourrez peut-être rappliquer !
s'exclama la voix déformée de David à travers l'œil bionique de Dewon,
ce qui eut pour effet de provoquer un petit cri strident et une
ascension dans les bras de Vincenzo par Sumire.
Dewon poussa un grognement et empoigna le sac de Vincenzo, en train de
chanceller, pour le prendre sur son propre dos. Puis ils s'empressèrent
de rejoindre l'Arcadia, où chacun reprit ses positions habituelles, à
savoir David près des machines pour les faire démarrer au quart de tour
quand la situation le réclamerait, Dewon sur le pont à taquiner ses
canons, Sumire serrant le journal de bord contre elle comme une mère
qui venait de retrouver son enfant, et Vincenzo en train de repasser sa
tunique un peu plus loin.