Chapitre 29, par Sumire : Journal de bord « Mission : opération coordination de la bataille future »
Journal de l'Arcadia
« Mission : opération coordination de la bataille future »
par Sumire
10h30 : Heure des braves.
Je me suis levée plus tôt que d'habitude pour apporter ma noble
contribution à la préparation du combat qui nous opposera à l'infâme
Sorcière – notez que je paye de ma personne !
Emue, je me glisse dans la cabine du Capitaine qui ressemble à un
véritable champ de bataille : compas, cartes éparses, instruments
étranges, maquettes et prototypes sont éparpillés sur une table
derrière laquelle gesticule un vieil homme tout ébouriffé qui ressemble
à un vieux hibou à moitié fou. Je m'apprête à donner l'alerte afin de
confondre ce misérable imposteur, mais déjà son complice s'est dressé
derrière-moi et tente de me retenir :
« Du calme, miss Sumire. Ce n'est que moi, Ludolf. Vous vous souvenez ?
J'ai embarqué sur l'Arcadia il y a peu, et lui c'est ce bon vieux
Glendal... »
Ce faisant, il passe la main sur son crâne endolori qui ressemble à
celui d'une baleine à bosse, vestige de mon dernier épisode d'amnésie.
Vexée, je fais semblant de ne pas comprendre et lui rétorque froidement
:
« Une bataille, ça vous change un homme ! »
11h00 : Le Capitaine
frappe à la porte et je lui donne l'autorisation d'entrer. Elle me
plaît bien cette cabine. Je me demande si j'aurais le droit de m'y
installer quand je deviendrai Capitaine...
Le Capitaine me jette un drôle d'œil - comme s'il soupçonnait
l'étonnante mise en route des rouages de mon cerveau - et rejoins le
vieillard (dont le nom m'échappe toujours !), plié en deux comme en
proie à un lumbago.
« Nous avons pris les mesures, Ryan, le père de David et moi, marmonna
le Capitaine d'un air sombre. Ca ne suffira pas. Glendal, vous savez ce
que ça signifie ? »
Le vieil homme – qui visiblement répond au nom de Glendal – s'approche
du Capitaine et lui pose la main sur l'épaule, l'air compatissant.
« Vous l'aimiez beaucoup... C'est un grand sacrifice, mais il est nécessaire. Nous allons tous beaucoup la regretter. »
A ce moment là, Sawin entre dans la cabine, l'air préoccupée,
mordillant la branche de ses lunettes. Ses lunettes préférées. Elle
porte également sa blouse favorite. Comme pour un sacrifice. Sawin, le
grand amour du Capitaine... Sacrifiée... non, je ne le supporterai pas !
« - Capitaine, non ! criais-je en me jetant à ses pieds. Il doit bien y avoir un moyen...
- Hélas, non, nous avons tout essayé ! me répondit-il en refoulant une larme.
- Mais enfin dîtes quelque chose ! Sawin, vous ne pouvez pas...
- Ca m'est égal, lança Sawin d'un air distrait.
- Vous sacrifieriez votre personne sans le moindre remord ? Pensez au
Capitaine, qui pourrait vouloir vous suivre dans la mort... Et moi, qui
me soignera quand je serai blessée ? »
Sawin me regarda d'un drôle d'air, avant de me lancer d'un ton cinglant :
« - Mais enfin Sumire, que pensez-vous que nous somme sur le point de sacrifier ?!?
- Ma proue, gémit le Capitaine d'un ton misérable. Ma pauvre, pôôôôôvre proue... »
11h30 : Les membres
de l'équipage s'attaquent avec ardeur à ce qui fut la proue de
l'Arcadia – en vérité une sirène aux proportions douteuse n'égalant pas
le charme d'un esturgeon des cumulus – ponctuée par les sanglots
déchirants du Capitaine, soutenu par Sawin. La doctoresse ne semble pas
chagrinée le moins du monde, ce qui en dit long sur sa façon d'écarter
les rivales.
14h00 : Suite à une erreur
de manœuvre de Boumie, la très regrettée sirène a coulé à pic dans la
mer de nuages, et les regrets de l'équipage ressemblaient davantage à
une ovation – sauf pour le Capitaine, qui envisageait de la déifier
avant de la rapporter à ses terres natales. La construction de la rampe
de lancement pour les modules, fleuron de notre artillerie, pouvait
commencer sous l'œil vigilant de David et David, le père.
Le Capitaine, qui n'a plus le cœur d'assister aux travaux, doit
cependant repousser par deux fois les assauts de Vincenzo, venu lui
présenter sa nouvelle collection d'uniformes : roses pour les filles,
bleu turquoise pour les hommes. Je me demande s'il a terminé celui que
je lui ai commandé (sur mesures bien évidemment).
15h30 : Choix des noms de code.
Je me résout à laisser les autres se tuer à la tache pendant que je
remplis une mission de la plus extrême importance : déterminer les noms
de code pour les membres de l'équipage. Voici la liste placardée sur la
porte de la cuisine, et dont je suis tout particulièrement fière :
Le Capitaine : Albator,
Sawin : Doc',
Boumie : Banania,
David : el mecano,
Ryan : Benjos,
Dewon : Benjax,
Abby : Abbywan kenobi,
Ludolf : Ludo,
Vincenzo : Winnie,
Le vieillard répondant au nom de Glendal : Gandalf le gris,
Sumire : Sumire-chan.
15h31 : Les membres de
l'équipage découvrent (enfin !) leurs nouveaux noms, ces noms si
héroïques qui les accompagneront dans la postérité et seront gravés
dans les mémoires au même titre que la légende de l'Arcadia.
Boumie est si ému qu'il ne parvient plus à trouver ses mots.
« - Mais ké... kéké... késkelfab'ikenco'cellà ? » s'époumone t-il en broyant sa Longue-vue.
- Et pourquoi ton surnom à toi, ce serait simplement Sumire-chan ? lance Vincenzo d'un ton soupçonneux. »
Mais quelle ingratitude !... Je pense en moi-même au sacrifice que je
réalise en dévoilant mon nom, livrant ainsi à nos ennemis la clé de mon
être et m'exposant aux plus violentes manifestations punitives de magie
noire...
« Mais... pour ne pas l'oublier bien sûr ! » dis-je comme s'il s'agissait là de la plus grande vérité du monde.
Je ne lèverai pas davantage le voile sur ce mystère car Gandalf, ou
peut-être Benjax, à moins que ce ne soit Albator ( ?), me demande de le
suivre dans sa cabine afin de consigner le plan de bataille dans mon
merveilleux journal de bord.
15h50 : Ca ressemble à la
cabine d'un cartographe. Depuis quand avons-nous un cartographe sur le
bateau ? Il faudra que je songe à en avertir le Capitaine, euh...
Kenobi.
« - Notez bien tout ce que je vais vous dire, miss Sumire, me dit le propriétaire des lieux, un vieil homme étrange.
- C'est Sumire-chan !
- Oui, alors euh, commençons... »
Je m'empare de mon crayon d'un air important, tandis que lui brandit
une pierre sombre aussi précautionneusement que s'il s'agissait d'un
baton de dynamite.
Je cite :
« Ceci... est la clef ce notre réussite. Ce n'est pas n'importe quelle
pierre, c'est un échantillon que j'ai ramassé sur Westphalis, et dont
l'île se compose toute entière, ce qui explique sa chute vers les
profondeurs abyssales des Terres sombres... Vous notez toujours, Sumire
? (Sumire-chan !) Et donc, nous avons observé avec Ludolf que cette
pierre d'apparence inactive peut être activé par un faisceau
d'électrons concentré sous forme d'une radiation énergétique très
puissante, ce qui la rend sensible à l'attraction terrestre et par
conséquent la fait irrémédiablement sombrer, et tout ce qu'elle touche
avec elle... Donc, si nous parvenons à équiper les modules construits
par le père de David (el mecano papa) avec les canons à particules
modifiés construits par Dewon (Benj... quelque chose), nous
encerclerons le bateau de Victoria (une chose affreuse) et nous
activerons le chargement de pierres sombres qu'elle transporte,
provoquant sa chute vers les profondeurs du monde... Ca, vous n'êtes
pas obligée de le noter, hein ! (trop tard !). Une petite unité d'élite
composée de trois modules sera chargée de récupérer Edèle et de la
mettre en lieu sûr. Le Capitaine (Aragorn) et moi-même (Euh ?...) avons
désigné Sawin (oh, Doc' !), Abby (Kana ? Keni ?) et Ryan (mon Ryan !!)
pour cette mission. Vincenzo (l'ourson) et toi resterez sur l'Arcadia
pour informer les différents escadrons de leur progression (C'est pas
juste !). Pendant ce temps, les autres membres de l'équipage
encercleront le bateau ennemi et feront feu simultanément. Lorsque nous
aurons remporté cette bataille, il nous faudra nous rendre auprès du
roi de Rhottgar pour plaider la cause des habitants de Westphalis, et
les arracher à leur triste sort. Je suis sûr qu'en inversant la
polarité des canons à particules, combinés aux photons émis par le
soleil centralisés dans un grand réacteur, nous pourrions inverser
l'attraction exercée par les Terres Sombres, mais pour cela il nous
faudrait une puissance de frappe équivalente à vingt fois et demi
l'Arcadia, sans compter la réfringence qui pourrait nous poser des
problèmes de parallaxe, surtout si nous dépassons le 23ème parallèle
atmosphérique, ce qui aurait pour cause de... »
J'ai perdu le fil en arrivant au bas de la page. C'est bête, je sens
qu'il allait finir par nous expliquer pourquoi Neo veut détruire la
Matrice...
16h20 : Parés pour le lancement.
Personne n'a voulu enfiler l'uniforme de Vincenzo, et celui-ci en est
fortement affecté. Gandalf essaye de lu faire comprendre que les
coutures n'auraient probablement pas supporté une telle pression
atmosphérique, mais lorsqu'il parle dans son jargon, il ne sert qu'à
faire plus de vent. Du coup, Winnie a décidé de confectionner une
tapisserie à la gloire de notre victoire.
Je cherche Ryan des yeux pour lui donner un baiser d'adieux aux vertus
antiseptiques anti-Victoria, mais les membres de l'équipage ont déjà
mis leurs casques, et il m'est impossible de les différencier.
Depuis quelques minutes déjà, notre Capitaine l'Albatros a entamé une
litanie sur le courage et l'honneur, en tournant volontairement le dos
à la magnifique rampe de lancement qui a remplacé la proue du bateau
(je pense que c'est la modernité du concept qui le dérange, ça ne colle
pas avec l'image des pirates et tout ça, Barbe-rousse doit s'en
retourner sous sa tombe, et blablabla... je cite).
Soudain, une Longue-vue émerge de l'un des casques et la voie puissante de Boumie s'élève :
« Bateau en vue ! Cible 'epé'ée ! »